TOUT EST DIT

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samedi 16 avril 2011

Migrations : réviser nos attitudes


Nous marchons sur la tête ! Face à l'énorme problème des migrations humaines qui ne vont qu'augmenter, nous restons isolés. Chacun des pays concernés tente de traiter le problème à sa façon, alors que la concertation en vue d'arrêter des politiques communes est évidemment plus que jamais nécessaire à l'heure de la mondialisation.

C'est en Europe que le nombre de migrants résidents est le plus élevé : 70 millions contre 50, par exemple, en Amérique du Nord. Cependant, ces immigrés ne représentent que 8,8 % de la population européenne (contre 13,6 % en Amérique du Nord).

Dans l'avenir, les populations riches et vieillissantes d'Europe, ayant moins de bras jeunes, pourront de moins en moins aisément assurer le fonctionnement économique et social de leur société. En face, les populations pauvres du Sud et en âge de travailler, poussées par le besoin et la fascination que suscite la richesse du Nord, tenteront de plus en plus fortement d'ouvrir les portes de notre continent. « Pourra-t-on garder pour principal objectif celui de contenir le flux des migrants ? », demande Virginie Raisson, chercheuse-analyste en relations internationales dans son Atlas des Futurs du Monde (1).

Les blocages concernant cette question sont souvent provoqués par des idées fausses. On met l'accent sur le coût exagéré des prestations sociales versées aux migrants et à leurs familles. Mais on oublie de compter leur contribution à la consommation ainsi qu'aux emplois que nous refusons d'occuper : bâtiment, nettoyage de voirie, aide sociale, etc. Or, selon la Banque mondiale, 3 % d'immigrants ajoutés à la main-d'oeuvre autochtone des pays d'accueil dégagent un revenu supplémentaire de 160 milliards de dollars dans les pays industrialisés, soit plus que les gains tirés de la libéralisation du commerce de marchandises. On le voit, l'immigration contribue à la croissance économique ; y compris à celle des pays d'origine qui reçoivent de leurs immigrés près de 2 % de leur PIB, soit près du triple de l'aide au développement...

« Trafiquants de désir »

Malgré ces aspects positifs, c'est la peur et le repli défensif qui conduisent les pays riches à adopter des politiques migratoires restrictives, mais qui s'avèrent inefficaces et inadaptées. En effet, elles ne dissuadent pas les candidats au départ de leur propre pays. Le rêve de la richesse occidentale est propulsé par les images des télévisions, jusque dans les plus pauvres gourbis du monde. Elles entraînent la volonté, la rage d'en sortir à tout prix en encourant tous les risques. Les obstacles placés par les pays riches sur la route de ces migrants sont contournés. Des filières criminelles en font leur profit et prospèrent à mesure que la difficulté est rendue plus grande. Ces « trafiquants de désir » sont assez efficaces, mais ils sont aussi le « premier maillon d'une longue chaîne de souffrance ». (1).

Les clandestins sont extrêmement vulnérables. Beaucoup perdent la vie dans leur aventure. La plupart sont exploités, accusés de concurrence déloyale. Face à cette situation, les syndicats sont plongés dans l'embarras. Les responsables politiques, mal à l'aise, doivent arbitrer entre les problèmes démographiques qui se posent à long terme et les enjeux sécuritaires, sociaux, économiques à court terme, qui influent sur le calendrier électoral immédiat dont ils dépendent.

Comment concilier tout cela ? À savoir, les intérêts des pays d'accueil qui ont besoin de main-d'oeuvre qualifiée et non qualifiée ; ceux des migrants qui devraient pouvoir circuler entre leur pays d'accueil et leur pays d'origine, et qui ont besoin de protection juridique et sociale ; ceux des pays d'origine qui ont besoin d'investissements et de développer les formations. Il est évident qu'une profonde révision de nos attitudes est incontournable. Un regard totalement neuf est indispensable, loin des visions habituelles et des réflexions toutes faites.

Le phénomène migratoire, par son ampleur, sa puissance, sa diversité, « échappe à la logique des États ». Ceux-ci, soucieux à juste titre de préserver leur souveraineté sur leur territoire, ne pourront cependant y parvenir que s'ils prennent, à l'échelle globale, des mesures de régulation pertinentes. Il faudra réussir à articuler migration et développement respectif des pays de départ et des pays d'accueil. Les uns et les autres devront s'associer pour « la mise en place d'un système migratoire régulé, sécurisé et profitable à tous » (1).

Voilà l'un des grands chantiers que l'Union européenne, avec tous ses membres associés, devrait ouvrir d'urgence en lui donnant l'ampleur nécessaire, surtout en cette période de mutation de ses proches et grands voisins du Moyen-Orient et d'Afrique.

(1) 2033, Atlas des Futurs du Monde, de Virginie Raisson, Éditions Robert Laffont.

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