TOUT EST DIT

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samedi 16 avril 2011

L'OTAN et l'UE sans pilote

L'opération militaire en Libye démontre une chose : l'OTAN n'est plus capable de maîtriser le cours des événements du monde en raison de la division de ses membres et de la frilosité américaine. Et l'UE ne peut pas prendre la relève pour les même raisons. 

Nous sommes en pilotage automatique. Si personne ne s’installe immédiatement au poste de commande, l’accident est garanti. Nous filons droit vers une collision dans la topographie accidentée d’un monde en plein changement. On n’avait pas vu pareilles turbulences depuis plus de 20 ans – et à l’époque, il y avait un pilote, et un cap.
Pas une seule rencontre internationale consacrée à la résolution de la crise libyenne n’a lieu sans que transparaissent des divisions. Le 13 avril, c’est au cours de la première réunion du Groupe dit de contact, à Doha (Qatar), qu’on a pu mesurer les divergences qui séparent les Européens, France et Grande-Bretagne d’un côté, Allemagne de l’autre. Cette fois, la discordance portait sur l’opportunité ou non de fournir des fonds et des armes aux insurgés, de même qu’au Conseil de sécurité de l'ONU elle portait sur la résolution qui devait permettre de freiner militairement l’avancée de Kadhafi sur Benghazi.

Une OTAN sans l'autorité de Washington n'est plus l'OTAN

La fin de la guerre froide avait un pilote efficace. Les Etats-Unis étaient aux manettes. Lors des guerres qui déchirèrent l’ex-Yougoslavie, la conduite resta aux mains de Washington : Clinton joua un rôle décisif dans la stabilisation des Balkans et la défaite de la Serbie ; seuls, les Européens n’auraient rien pu résoudre.
L’actuelle crise arabe révèle la terrible réalité de ce monde sans cap ni orientation dans lequel nous vivons, matérialisée par le retrait de Washington, au profit de l’OTAN, dans la direction des opérations d’endiguement militaire de Kadhafi. Pour la première fois, l’Alliance atlantique est engagée dans une action militaire sans l’autorité de la superpuissance qui fut pourtant l’artisan et la raison d’être de l’organisation.
Et ne nous leurrons pas, une OTAN sans l’autorité de Washington, ce n’est plus l’OTAN – c’est autre chose. Rien d’étonnant à ce qu’elle se retrouve sous le feu de critiques contradictoires : en France et au Royaume-Uni, pour son manque de détermination ; en Allemagne ou en Turquie, pour les victimes civiles qu’ont pu faire ses bombardements.
Une OTAN avec des voix si divergentes, des positions si différentes, voilà qui ressemble beaucoup à l’Union européenne. Or s’il s’agit d’avoir une OTAN qui agit comme l’UE, nous avons déjà l’UE, merci. Et si l’UE avait été disposée et prête à prendre les commandes, le débat serait clos. C’était là l’occasion rêvée d’occuper le devant de la scène.

Deux cadavres politiques : l'OTAN et l'UE

Ce raz-de-marée du changement sur ses rives méditerranéennes, qui ont cruellement besoin de tout, de l’aide humanitaire à l’action militaire, était l’occasion de faire naître enfin une politique extérieure et de défense commune en Europe. Mais l’occasion n’a pas été saisie, et de cette formidable crise resteront deux cadavres politiques de plus : celui de l’OTAN, qui ne sera plus jamais ce qu’elle a été, et celui de l’UE, qui jamais ne parviendra à devenir la seule chose qui aurait pu donner du sens à ce qu’elle est encore aujourd’hui.
Si Washington a agi et s’est engagé dans un premier temps, c’est sur l’insistance de la France et du Royaume-Uni. Sans la décision d’Obama, Kadhafi prendrait aujourd’hui ses aises et la rébellion serait liquidée. Mais ensuite, le président américain n’a pas pu résister aux pressions intérieures, qui lui déconseillaient un troisième engagement dans un conflit rapidement qualifié dans son pays de guerre "par choix" et non "par nécessité", pour défendre des valeurs et non des intérêts. C’est une erreur stratégique colossale. Richard Cohen, chroniqueur au Washington Post, qualifie cette nouvelle orientation de doctrine de la non-doctrine : Obama n’a pas de stratégie internationale, et c’est précisément sa stratégie.
Ian Bremmer, du groupe de réflexion Euroasia Group, estime lui que le monde est gouverné par le G-zéro, qui en vient à se substituer à toutes les diverses instances de direction économique du monde, G-8, G-20 ou G-2 (Etats-Unis et Chine) : en d’autres termes, personne ne tient les commandes.
Tout cela est essentiel pour comprendre ce nouveau monde qui surgit sous nos regards stupéfaits. Mais il subsiste un problème plus concret et plus urgent que la géopolitique ne résout pas, puisque c’est la politique qui est censée s’en charger : comment en finir une bonne fois pour toutes avec une guerre qui saigne la Libye à blanc et qui déstabilise toute la Méditerranée ?

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