TOUT EST DIT

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dimanche 13 mars 2011

Les larmes d’Hokusai

On ne pourra plus jamais regarder la vague d’Hokusai d’un œil fasciné. L’allégorie emblématique de sa puissance et la force irrésistible de sa courbe gracieuse renverront pour longtemps à la désolation de Minamisanriku et de Sendai, ravagées par les flots assassins, sombre horde marine charriant l’anéantissement.

Nul doute que la main du grand maître de l’estampe aurait tremblé devant une telle trahison de son imaginaire. Nul doute que ce peintre sensible et délicat aurait pleuré devant le malheur qui a saisi des milliers de ses compatriotes, et qu’il aurait gravé dans nos mémoires la douleur des enfants effarés devant la violence guerrière envoyée par cet océan qu’on appelle Pacifique.

Comment ne pas être impressionné par la pudeur de ce peuple courageux qui ne montre pas son immense détresse et trouve encore la courtoisie de sourire pour raconter son angoisse et décrire son malheur ? Cette dignité devant l’affront des hasards de la nature et, désormais, devant la possibilité d’un accident nucléaire majeur, contraste avec le nombrilisme proche de l’indécence des réactions franco-françaises après l’explosion du toit de la centrale de Fukushima.

Entre le catastrophisme aussi cataclysmique que prématuré d’une Cécile Duflot et le déni sidérant de ministres refusant de considérer qu’en matière nucléaire le risque zéro n’existe pas, en France comme ailleurs, la sobriété de commentaire qu’exigeait la tragédie a été orpheline.

Bien entendu, la peur atomique ne connaît pas les frontières, pas plus qu’en 1986 le nuage radioactif de Tchernobyl ne pouvait bifurquer en abordant le Rhin. Cette crainte, légitime et justifiée, doit être le socle d’une indispensable lucidité devant une énergie qui ne pourra jamais être banale.

Il est normal que Fukushima réveille les inquiétudes de Fessenheim. Et même sain. Aucune société responsable et soucieuse de laisser à ses enfants un monde durable ne peut s’affranchir d’une remise en question fondamentale de la dangerosité potentielle de ses choix. Le mythe de la sûreté nucléaire, qui a prospéré sur un passé récent sans incident majeur, ne saurait être admis à la faveur de l’usure sans remise en question permanente.

Si l’Allemagne hésite depuis le milieu des années 90 sur la fermeture de ses centrales, comment la France pourrait-elle faire la sourde oreille à une remise en question de sa stratégie nucléaire, qui, jusqu’au Grenelle de l’environnement, a si longtemps étouffé tout volontarisme pour promouvoir les énergies nouvelles ?

Outre les périls des émissions dans l’atmosphère, la question de l’enfouissement des déchets suffirait à engager un débat dans les profondeurs du pays, et de notre conscience politique. Mais pour l’heure on serait bien avisé de se dépouiller de toute polémique pour être tout entier au côté des Japonais.



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