vendredi 18 mars 2011
Le risque Kadhafi
Pendant deux semaines, du 25 février au 9 mars, le régime du colonel était aux abois et Kadhafi au comble du délire. Les rebelles contrôlaient alors non seulement la zone pétrolière de l'Est du pays, comprenant Tobrouk et Benghazi, mais aussi des cités plus proches de Tripoli. L'espoir était alors permis de voir la population civile surmonter la peur du régime, et le Guide perdre ses soutiens. Pour cela, il aurait fallu que les rebelles fussent soutenus logistiquement. Militairement. Ce ne fut pas le cas. La suite, on la connaît.
Depuis une semaine, les troupes loyalistes ont reconquis une bonne partie du territoire et menacent, en s'approchant de Benghazi, de détruire violemment, et définitivement, le quartier général des rebelles. Benghazi résiste encore, mais sans aide extérieure, ses heures sont comptées. Et le massacre imminent.
C'est dans ce contexte qu'est intervenu, hier soir, le vote du Conseil de Sécurité. Paris a beaucoup poussé pour son adoption. La France a été le premier pays à donner une reconnaissance officielle aux opposants libyens, et à rompre ainsi définitivement avec Kadhafi. La diplomatie française, épaulée par les Britanniques, s'est beaucoup activée ces derniers jours pour convaincre les Américains et certains pays arabes de la nécessité d'agir. Pour ne pas laisser les opposants libyens se faire massacrer sans réagir.
Au fil des jours, un basculement s'est opéré. Dans l'esprit des chancelleries occidentales, la menace la plus lourde a changé de camp. Intervenir est trop dangereux, disait-on au début du soulèvement des opposants libyens. Ne pas intervenir est encore plus dangereux, explique-t-on aujourd'hui. Le printemps arabe perdrait immédiatement ses feuilles.
D'où l'action menée ces derniers jours pour amener les Américains à sortir de leur prudence, les Russes et les Chinois à renoncer à leur veto, les pays arabes à participer à l'isolement de la Libye de Kadhafi. Le problème, c'est qu'au fil des jours et de ce revirement, le risque que fait courir une intervention a augmenté.
Les termes retenus par la résolution, les indiscrétions sur le type d'action militaire visant à protéger les populations civiles et à paralyser la puissance de feu des troupes loyalistes, présentent un cadre à l'apparence contenue. Mais aucun conflit, car c'est bien d'un conflit qu'il s'agit, ne se déroule indépendamment de la nature des ennemis en présence. Or, la nature de Kadhafi n'est un secret pour personne. Il a, dès hier, proféré des menaces très directes contre de potentielles cibles civiles ou militaires en Méditerranée. Son passé terroriste et ses délires rendent ces menaces crédibles.
Il y a trois semaines, on pouvait espérer aider une rébellion à libérer la Libye de son dictateur, dans le sillage des révoltes tunisienne et égyptienne. Il y a une semaine, à sauver les opposants sur une portion de territoire viable, préludant à une éventuelle partition du pays. Aujourd'hui, le facteur K, comme Kadhafi, fait peser sur toute opération militaire un facteur de risque imprévisible. À moins de le déloger par une guerre. Ce que l'Onu, pour l'heure, exclut.
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
0 commentaires:
Enregistrer un commentaire