TOUT EST DIT

TOUT EST DIT
ǝʇêʇ ɐן ɹns ǝɥɔɹɐɯ ǝɔuɐɹɟ ɐן ʇuǝɯɯoɔ ùO

vendredi 18 mars 2011

Une tragédie aussi pour l'économie

Signe des temps : il n'aura fallu que deux jours ouvrables pour que les marchés s'invitent dans la tragédie japonaise en faisant dévisser la Bourse de Tokyo de 15 %. Dès le lendemain, les spéculateurs vautours arrivaient, attirés par la braderie, alors que la mer continuait à rejeter des centaines de corps sans vie sur les côtes du nord de l'archipel.

La catastrophe frappe un pays dont l'économie stagne depuis vingt ans. L'industrie japonaise travaillant en flux tendu, les usines n'ont pas de pièces en stock. La désorganisation des transports, consécutive au séisme, a paralysé toutes les grandes usines d'automobile de l'archipel. Les zones sinistrées sont principalement agricoles, mais Sendai, métropole d'un million d'habitants, comptait de nombreuses entreprises fabriquant des composants de haute technologie pour l'électronique, qui commence déjà à en manquer.

Le Japon devra aussi déblayer, puis reconstruire les régions entières où villes, villages et infrastructures ont été rasés au sol. Après le séisme de Kobé (6 400 morts en 1995), la reconstruction avait coûté 110 milliards de dollars. Les premières estimations, très approximatives, font aujourd'hui état du double, voire du triple, alors que l'État est écrasé par une dette qui dépasse 200 % du PIB (produit intérieur brut).

L'économie mondiale devrait aussi être impactée. Déjà, le prix de certains composants indispensables à l'industrie électronique est en hausse. Le pétrole devrait aussi flamber si un coup d'arrêt est donné au développement de l'énergie nucléaire. Le Japon joue par ailleurs un rôle central en Asie : on y conçoit beaucoup des produits assemblés en Chine, et leurs pièces essentielles sont souvent fabriquées dans l'archipel ou en Asie du Sud-est par des entreprises japonaises. Un marasme prolongé du pays, qui reste la troisième puissance économique du monde, compromettrait la bonne marche de tout ce « circuit de production intégré asiatique ».

La finance mondiale aussi sera perturbée par le rapatriement déjà en cours d'une partie des avoirs japonais à l'étranger, pour faire face à la catastrophe qui pousse déjà le yen à la hausse, au grand dam des exportateurs nippons qui n'avaient pas besoin de ce surcroît de difficultés.

Pourtant, dans la culture japonaise où la notion de fin du monde n'existe pas, la vie a toujours vocation à l'emporter. Le choc de la catastrophe peut redonner à une nation démoralisée par une crise sans fin l'énergie exceptionnelle et la cohésion dont elle a si souvent fait preuve dans la difficulté. La reconstruction peut lui donner ce nouveau but national fédérateur qui lui manque depuis qu'elle a atteint l'objectif de « rattraper l'Occident », fixé par ses dirigeants après la défaite de 1945.

En contraignant les partis politiques à faire bloc, peut-être pour longtemps, la tragédie pourrait redonner à la démocratie nippone la capacité d'action qu'elle a perdue depuis deux décennies. Si ce qui se passe à Fukushima pousse le Japon à explorer avec tous ses moyens ¯ considérables ¯ la voie des énergies nouvelles ; si les terroirs dévastés sont ressuscités par de nouvelles formes d'agriculture respectueuses d'une nature dont le cataclysme nous rappelle qu'elle reste la plus forte, alors le Japon n'aura pas souffert en vain.





0 commentaires: