On savait que «la communauté internationale» n’existait pas. Qu’elle n’était qu’un concept de journaliste. Une création du vocabulaire médiatique. Une représentation floue de l’imaginaire diplomatique. On la soupçonnait de n’être, en fait, qu’une hydre sans morale et sans âme. Un agrégat d’intérêts, écartelée par les égoïsmes nationaux.
Le dossier libyen nous prouve que c’est sans doute cette réalité-là qu’il faudra retenir pour toute définition.
Il aura donc fallu attendre que le massacre des insurgés libyens soit imminent pour que les grandes puissances occidentales se décident à faire un geste tardif pour les protéger de la vengeance sanguinaire de l’enragé de Tripoli. Un fou pas si fou que ça, joueur habile capable de planifier un bain de sang en misant à la fois sur l’impotence de l’Europe des 27, sur les hésitations de l’Amérique et sur l’inopérance des gesticulations françaises pour ébranler le froid cynisme du G8. Bingo !
C’est in extremis, en dernier ressort, et après avoir cruellement pris son temps - au point qu’on a pu se demander s’il ne voulait arriver après la bataille - que le conseil de sécurité de l’ONU a fini par donner son feu vert à des frappes ciblées au moment même où les mercenaires de Kadhafi envoyaient leurs premières bombes sur Benghazi.
Faut-il rappeler que les hommes du «guide» libyen sont armés jusqu’aux dents - 50 fois plus que leurs adversaires - avec l’argent du pétrole acheté par les bons amis européens du régime...qui le sont restés jusqu’au 15 février dernier, au moins ?
On espère, entre soulagement et appréhension, qu’il ne sera trop tard. Que les raids aériens annoncés par Alain Juppé auront été lancés dès l’aube et qu’ils parviendront à arrêter les colonnes qui ont déjà semé la mort partout sur le sinistre chemin de la «purge». Mais y aura-t-il encore quelque chose à sauver quand ils seront déclenchés ?
Après s’être spectaculairement et trop longtemps compromis avec Tripoli, Paris a sauvé l’honneur en arrachant à ses partenaires le droit d’intervenir militairement dans le ciel libyen avec le soutien de la Ligue Arabe, et de l’Amérique.
Le président Sarkozy a eu le courage d’aller jusqu’au bout de ses annonces téméraires et brouillonnes qui ont fait naître d’immenses espoirs de reconnaissance chez les opposants libyens mais sans être sûrs de pouvoir les concrétiser. C’est son ministre des affaires étrangères qui a tenu la promesse...
Place à une guerre incertaine, donc, grâce à l’abstention de la Chine et de le Russie. Au nom des droits de l’homme ? Ils n’ont pas pesé très lourd dans cet épisode diplomatique peu glorieux pour les ambassadeurs de la liberté. Ils n’ont pas le pouvoir de faire une politique, c’est sûr. Seulement la capacité de faire sangloter les démocraties d’un œil, en gardant l’autre sec.
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