Le jeune fondateur de Google va remplacer Eric Schmidt à la direction générale. Un moyen de redonner un coup de jeune pour relever le défi des réseaux sociaux?
La nouvelle est tombée comme une bombe : le fondateur de Google Larry Page redevient le directeur général du groupe. Dix ans après avoir été appelé pour diriger ce qui n'était alors qu'une petite société fondée par des informaticiens peu soucieux de gagner de l'argent, l'actuel PDG Eric Schmidt cède sa place, conservant cependant la présidence du conseil d'administration. Sur le web, les réactions et spéculations fusent sur les raisons de ce big bang dans la direction du géant de la recherche.L'explication officielle, c'est que l'organisation actuelle, où les décisions se prennent à trois, entre Eric Schmidt, Larry Page et l'autre co-fondateur Sergey Brin, avait conduit à des lourdeurs, d'autant que le groupe compte près de 25.000 employés. "Nous prenions toujours les décisions ensemble (...) cela ajoute des délais", a ainsi déclaré Schmidt lors d'une téléconférence. Mais certains sceptiques sont persuadés qu'il a été doucement chassé de son poste. Qu'a-t-on pu lui reprocher? Pas de perdre de l'argent en tout cas. Les profits, présentés le même jour, ont bondi de 30% en 2010.
Il est vrai, en revanche, qu'Eric Schmidt a eu tendance récemment à multiplier les gaffes, que le New York Mag se fait un plaisir de lister. Certaines déclarations publiques sont particulièrement mal passées, comme par exemple "on peut suggérer ce que vous ferez, ce qui vous intéresse. Imaginez : on sait où vous êtes, on sait ce que vous aimez". C'est le genre de phrases dont le groupe aurait pu se passer quelques mois après que ses voitures Street View aient récupéré via wifi des données personnelles dans 30 pays. Ce qui lui vaut d'être encore sous le coup d'une enquête de la commission fédérale des communications pour violation de la vie privée, rappelle Consumer Watchdog, l'association de consommateurs qui accueille avec enthousiasme le remplacement d'Eric Schmidt.
Mais "l'incident" de Street View n'est qu'un raté parmi d'autres. The Guardian en énumère d'autres qui ont pu ternir la réputation du PDG sortant: "Google n'est pas entré dans le monde des réseaux sociaux que Facebook a conquis. Au lieu de ça il a tenté de cloner Twitter avec Google Buzz, qui a conduit à une class action d'usagers mécontents d'avoir été automatiquement inscrits. Et puis il y a eu Google Wave, un produit tellement révolutionnaire que personne n'est capable d'expliquer son utilité, même pas les gens de Google". Dernière déception en date : l'échec du rachat de Groupon, "une entreprise qui a préféré l'indépendance à la mystique Google" résume Tricia Salineto, une consultante de la Silicon Valley pour qui l'affaire Groupon a "peut-être été la goutte qui a fait déborder le vase".Pour le New York Times, si Google a bouleversé sa direction, c'est parce qu'il "redoute secrètement de connaître le même sort que Microsoft", celui d'un géant de la technologie en déclin. De fait, Google s'est montré impuissant face à l'ascension irresistible des réseaux sociaux comme Twitter et surtout Facebook, "deux géants qui ont empiété sur le territoire de Google à la fois dans le domaine de la publicité et celui de la distribution de contenu en ligne", rappelle Le Monde informatique. En décembre, Facebook a même dépassé le moteur de recherche en audience pour devenir le site le plus visité aux Etats-Unis.
Autre signe du vieillissement du groupe : de plus en plus d'ingénieurs boudent Google, préférant travailler dans des start-up ou d'autres compagnies. L'ancienne dirigeante Sheryl Sandberg est ainsi partie chez Facebook, Tim Armstrong chez AOL. Du coup, Google a octroyé une augmentation de 10% à tous ses salariés pour freiner les fuites de cerveaux. Reuters interprète ainsi le retour aux commandes de Larry Page, 38 ans, comme une volonté de redonner un coup de jeune à une entreprise "mature" qui a du mal à suivre les tendances récentes du web. Après tout, la direction de sites à succès comme Facebook et Groupon a bien été confiée à leurs fondateurs, qui ont la vingtaine.
Reste à savoir si Larry Page sera à la hauteur de sa nouvelle tâche. Les avis divergent. Tech Job Watch pensent qu'il a surtout des compétences techniques, et que "plus il passera du temps à s'occuper de l'opérationnel, moins il en aura pour développer les produits". Surtout, c'est un vrai "geek" qui "manque d'expérience business", et cela se fera sentir "dès qu'il faudra prendre des décisions stratégiques difficiles sur quels projets approfondir et quels projets annuler". Business Insider exprime l'opinion inverse : "Schmidt était de plus en plus un simple ambassadeur, qui ne faisait que parler aux médias et dans les conférences. Cela fait déjà un moment que Brin et Page prennent les décisions stratégiques". Ainsi, la nouvelle organisation ne ferait qu'officialiser la réalité des fonctions effectives de chacun.
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