TOUT EST DIT

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dimanche 23 janvier 2011

Tabou

Si le racisme n’a aucune importance, Marine Le Pen vaut bien Mélenchon et Céline mérite les honneurs de la République. Ça s’appelle un tabou, le mot n’est pas à la mode.
On sent bien ces temps-ci l’envie de s’en débarrasser, passer par pertes et profits la dénonciation du musulman ou la haine du juif ! On pourrait vitupérer bourgeoisement le populisme mélucho-marinien tout en s’épiçant l’âme des mots d’un haineux décédé, populiste lui-même mais il avait du génie, ce Céline, pas vrai…

Deux snobismes se sont croisés en quelques jours, deux manières de penser faux, mais qui disaient la même chose. Un dessin de Plantu dans L’Express qui croquait une gémellité politique entre Marine le Pen et Jean-Luc Mélenchon, récitant "tous pourris" dans des uniformes nazifiants. Et l’installation par un comité de "sages" de Louis-Ferdinand Céline parmi les gloires commémorées par la France en 2011. L’honneur fait à Céline a été annulé par Frédéric Mitterrand. L’injure faite à Mélenchon prospère: c’est peu surprenant, tant l’outrecuidant "Méluche" s’est isolé des médias et des prébendiers de la raison.

Faisons simple. Mélenchon et Marine Le Pen peuvent tous deux maudire le libéralisme, marteler la trahison et les complicités des élites, reprendre les dialectiques vaseuses des "petits contre les gros": il reste une différence essentielle. Marine Le Pen pose son discours social sur un socle ethnico-religieux, dénonce l’islam envahisseur et exacerbe le rejet des musulmans. Mélenchon n’est jamais allé sur ce terrain. Il n’interroge pas les origines des "trafiquants", ne parle que de lutte des classes, de souffrances populaires, et organise la guerre des mots contre les "belles personnes", lui qui fut jadis ostracisé par les élites élégantes du PS.

On peut rejeter ses analyses et regimber devant son mépris des convenances. Mais l’impolitesse est une vétille, comparée au racisme! Egaler Mélenchon aux Le Pen, c’est un péché contre l’esprit et plus encore, c’est cracher à la figure des victimes de l’islamophobie et dire aux musulmans de France qu’ils sont, ici, quantité négligeable.

Rejeter Céline des panthéons républicains relève d’une même évidence morale: il est des hiérarchies, et la littérature compte moins que la Shoah. Habiller de tricolore la mémoire de Céline, c’est affirmer que la mort des juifs n’a été qu’un détail du siècle passé, et l’antisémitisme français, un déshonneur sans conséquence. Céline vomissait le youpin au moment des déportations, accompagnait à Sigmaringen les derniers salauds de la Collaboration… Cela ne retire rien au Voyage et n’interdit ni la mémoire littéraire, ni la Pléiade, ni les bibliothèques, ni les colloques. Mais "la Patrie reconnaissante", c’était en trop.

Une dernière chose. On redoute, d’expérience, une lecture mollement antisémite de l’affaire Céline, qui lierait des pressions juives au revirement de Frédéric Mitterrand. Ah, le lobby? Si le prochain dîner du Crif ou la tristesse juive sont les raisons d’un geste de bon sens, c’est regrettable et absurde. Le tabou du racisme nous protège tous, et préserve toute la République.

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