dimanche 16 janvier 2011
Papa avait raison
On peut ne pas marcher dans la combine du Front national dépoussiéré, modernisé, marinisé, et en rester à la politique, qui est têtue dans ses invariants.
Le FN est une tragédie de boulevard, quand une quadra ambitieuse décline Sacha Guitry, Mon père avait raison, et poursuit son œuvre. Ce week-end, Marine Le Pen récupère le parti familial pour dynamiter le système et incendier la société.
Il fut un temps, roué ou sincère, où l’héritière pratiquait l’apaisement et jouait les Al Pacino, rompant publiquement avec son père qui avait dérapé une fois de trop sur la Seconde Guerre mondiale et l’Occupation allemande. C’était en janvier 2005, et le vieil homme, vexé, m’avait lâché cette tristesse paternelle: "Marine a tort, un Front national gentil, ça n’intéresse personne." Six ans ont passé, Papa avait raison. Marine n’est plus gentille. Première croisée de l’islamophobie politique, tonnant contre les prières de l’envahisseur, contemptrice d’une viande halal semblable au repas du démon, dénonciatrice de la "pédophilie" de Frédéric Mitterrand, elle tape comme elle l’a appris, avec talent et culot, au plus bas. Elle épargnera les juifs et la Shoah, délaissant ces vieilleries paternelles : il est des violences inutiles, inaudibles et datées, et la ratiocination collabo n’est plus de mise, soixante-cinq ans après. Mais la détestation de l’islam et du musulman, figure barbue de l’immigré délinquant, peut se porter haut.
Ainsi perdure le FN. Destiné non pas à prendre le pouvoir, mais à terroriser les partis démocratiques, et à porter nos malaises à incandescence. Le Front n’est pas extérieur au pays. Il excipe des réalités partielles et terrifiantes, rebondit sur la société et la transforme à la fois, et radicalise les partis de gouvernement… L’effet Marine a déjà percuté l’UMP, donnant de l’espace et du prétexte aux plus durs du sarkozysme. Il pourrait aussi, curieusement, atteindre désormais la gauche dans son identité. Au cœur du discours de la cheftaine, dès ce week-end, se nichera une dialectique souverainiste et protectrice, mariant le rejet de l’Europe au refus de ses directives libérales, récusant la logique de l’argent, réclamant le retour de l’Etat-nation souverain et des services publics: le FN entonnant une chanson chevènementiste, mélenchonienne, hesselienne, claironnant un déroulédisme de gauche, qui influera sur le camp progressiste!
On peut ironiser en se souvenant du Front reaganien et antifiscaliste des années 1980. Mais chez les Le Pen, les idées comptent moins que la subversion. On pourra aussi s’étonner de cet alliage de républicanisme protecteur et de rejet violent des musulmans. Il est pourtant logique, et s’est illustré cette semaine dans les alliances nouées autour d’Eric Zemmour, clown paladin médiatique défendant la République contre les trafiquants noirs et arabes et leurs alliés droits-de-l’hommistes… Il flotte dans ce pays le regret d’un entre-soi blanc et régulé et protégé, le paradis perdu d’une France disparue et mythifiée. Marine Le Pen, faussement moderne, dope simplement une nostalgie avariée.
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
0 commentaires:
Enregistrer un commentaire