Est-ce une version maghrébine du grand soubresaut de 1989 qui avait libéré l’Europe centrale et orientale ? La révolte du peuple contre un pouvoir autoritaire ? La naissance d’une démocratie qui fera tache d’huile dans toute l’Afrique du Nord où, on s’en doute, les événements de Tunis sont suivis de très près, et quelquefois avec enthousiasme ?
L’Histoire ne se répète pas. Pourtant, quelles similitudes avec la déferlante de 1989 ! Le peuple manifeste, les sbires du régime ouvrent le feu, le pouvoir lâche du lest dans l’espoir de se maintenir pour finalement prendre la fuite. Et il y a les morts, les pillages, les exactions, le tout mis au compte de la police se comportant comme la «Securitate» de Ceausescu en décembre 1989. Pour se venger, espérer le retour du dictateur et les « privilèges» liés à son service. Ce n’est pas un hasard si l’armée a consigné hier la garde présidentielle de Carthage, en fait la milice privée de Ben Ali et de sa famille. Enfin, comme le 9 novembre 1989 lors de la chute du Mur de Berlin, la France n’a rien voulu comprendre. Il est vrai que, de François Mitterrand à Nicolas Sarkozy en passant par Jacques Chirac, Paris a porté Ben Ali à bout de bras. Ajoutons que l’Europe institutionnelle – bien que la Tunisie soit associée à l’UE – était également inscrite aux abonnés absents. Cette UE qui veut se doter d’un service diplomatique de 6 000 fonctionnaires parfaitement inutiles !
Mais maintenant ? Mebazaa, le nouveau président intérimaire, est un cacique du régime traînant de forts relents de corruption. Saura-t-il avec le premier ministre Mohammed Ghannouchi former un gouvernement d’union, organiser des élections libres dans les deux mois et, surtout, mettre fin à l’anarchie ? Rien ne l’interdit car la Tunisie possède de sérieux atouts : une élite, une armée sachant se comporter avec retenue et une administration aussi efficace que tatillonne. Même si cette dernière, plus par carriérisme que par conviction, est infiltrée par le RCD (le parti quasi unique de Ben Ali), elle saura vite changer de camp. La Tunisie reste un pays en état de fonctionnement avec le souci de préserver sa principale richesse : une industrie touristique qui, directement ou indirectement, fait vivre plus d’un million de personnes.
Certes, une transition démocratique ne se fait pas du jour au lendemain. Il y aura d’autres soubresauts, des pillages, des actes irréfléchis, peut-être des provocations de la part des nostalgiques de Ben Ali. La lutte contre la corruption et la culture du «bakchich» prendra des années. Mais faisons confiance aux Tunisiens qui ont déjà chèrement payé leur engagement : ils veulent la démocratie. Pas le drapeau vert des islamistes, d’ailleurs absent dans les manifestations. Enfin, que la France et l’Europe se rendent utiles en aidant à bâtir la première démocratie du monde arabe, juste à notre porte !
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