Ce n'est que le jugement d'un conseil de prud'hommes. Et pourtant, la décision prise par la justice du travail dans l'affaire de la crèche Baby Loup revêt une portée générale qui intéresse le monde de l'entreprise et, fondamentalement, la manière dont doit être appliqué le principe de laïcité dans la sphère privée.
Cette affaire, rappelons-le, opposait une salariée voilée à son employeur, en l'occurrence une crèche associative de la banlieue parisienne fonctionnant, tel un service public essentiel, 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. Elle opposait en réalité - et c'est en cela qu'elle avait valeur de symbole -les tenants d'un principe de laïcité impliquant une certaine neutralité dans l'affichage de ses convictions religieuses sur le lieu de travail, à ceux pour qui une telle conception entraverait un autre principe, celui de la liberté religieuse.
La plupart du temps, ce type de litige entre employeurs et employés se règle par le dialogue social et personne n'en entend parler au-delà des murs de l'entreprise. Le cas Baby Loup est différent puisque la Haute Autorité de lutte contre les discriminations (Halde), alors présidée par Louis Schweitzer, avait jugé discriminatoire le licenciement de cette femme voilée. La décision des prud'hommes contredit totalement cette approche et abonde dans le sens de Jeannette Bougrab, qui avait succédé à l'ancien président de Renault à la tête de l'institution et avait reçu le soutien d'Elisabeth Badinter.
Dans une époque qui prête à la confusion des valeurs, la réaffirmation du principe de laïcité figurant dès la première phrase de l'article premier de notre Constitution - « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale » -ne va curieusement pas de soi. C'est cette confusion des esprits qui aboutit parfois à ce que, suprême paradoxe, la défense de la laïcité soit assimilée à une posture xénophobe ou même islamophobe - odieux détournement pour un principe républicain…
Par cette décision, la justice prud'homale rappelle utilement des valeurs fondamentales. Elle signifie que la liberté religieuse, garantie elle aussi par la Constitution, n'est pas cet absolu au nom duquel certains territoires de la République seraient soustraits au principe de laïcité. En filigrane, elle rappelle aussi que la société française est bâtie sur un socle commun de valeurs que le communautarisme tend à saper alors qu'il faudrait le consolider.
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