TOUT EST DIT

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dimanche 5 décembre 2010

Cote d’alerte

Il y a un risque de chaos, voire de guerre civile, en Côte d’Ivoire, qui dépasse nettement l’enjeu de l’approvisionnement de la planète en cacao, dont ce pays est le premier producteur mondial, et qui ferait grimper le prix du chocolat.
L’élection présidentielle, dont le tour décisif avait lieu il y a une semaine, devait permettre rien moins que la réconciliation de la nation ivoirienne autour d’un exercice transparent de la démocratie. Le processus électoral devait accoucher d’une sorte de réunification, entre les territoires sous l’autorité de l’État et ceux contrôlés par la rébellion. Trois ans après l’accord de paix conclu entre le pouvoir et le chef rebelle Guillaume Soro, le libre choix des électeurs devait concrétiser les bonnes intentions couchées sur le papier. Et il y a urgence. La Côte d’Ivoire sort d’une étrange décennie, scindée en deux mi-temps : un quinquennat « légitime » du président Laurent Gbagbo, élu en 2000 ; puis une prolongation arbitraire de son mandat, également de cinq ans, décidée par le chef de l’État sans reconsulter le peuple, privant du même coup les opposants de leur droit de solliciter le suffrage universel. Mais pour être fondateur d’une « pacification », il eût fallu que le scrutin fût libre des manœuvres du passé.
Force est de constater qu’il n’en est rien. Résumé du feuilleton : l’autorité de contrôle du dépouillement déclare Alassane Ouattara vainqueur, avec 54 % des voix ; mais la Cour constitutionnelle annule le verdict de plusieurs départements favorables à l’opposant, et c’est M. Gbagbo qui se trouve nanti d’une majorité de plus de 51 %. La cote d’alerte est atteinte quand chacun bénéficie d’une légitimation séparée : sans perdre de temps, M. Gbagbo prête serment et est investi, tandis que M. Ouattara se fait adouber par les Nations unies, la Maison blanche, la Commission européenne, l’Union africaine — appui peut-être décisif — et Dominique Strauss-Kahn. Excusez du peu.
Il y a donc deux présidents à Abidjan, mais pas de chef d’État incontesté. Un casse-tête pour tout le monde. À persister à passer en force, le président sortant risque d’exacerber la violence. À intervenir lourdement, l’étranger donnerait du poids à ses accusations d’ingérence. Au bord du gouffre, il appartient d’abord aux Ivoiriens de ne pas succomber au vertige.

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