mardi 19 octobre 2010
Les syndicats jouent gros
Stop ou encore. Baroud d'honneur ou fuite en avant ? La journée cruciale de ce mardi contre la réforme gouvernementale des retraites s'inscrit dans un contexte inédit où la sortie du conflit n'est pas soumise aux seuls dangers d'une radicalisation incontrôlée, propre à tous les mouvements de cette nature.
Sarkozy n'est pas Villepin : son refus de composer ne saurait être pris pour une simple posture, mais l'expression de sa nature et de ses intérêts. Les syndicats ne l'ignorent pas. 2010 n'est pas 2006 : la contestation organisée et progressive des salariés d'aujourd'hui n'est que peu comparable au tsunami contestataire des jeunes d'hier. En outre, les enjeux de l'après-conflit se révèlent, pour les syndicats, autrement plus vitaux en 2010. Avec les nouvelles règles contraignantes de représentativité, ils savent qu'ils jouent gros à la sortie. À commencer par les plus petits qui se retrouvent en péril existentiel, donc tentés, comme FO et la CFTC, de surjouer la contestation.
Adossées à un mouvement fort, mais qui a marqué le pas samedi, contraintes par la fermeté élyséenne, privées de perspective dans la durée, toutes les confédérations sont, de fait, face à un énorme défi. Comment trouver la porte de sortie après le vote du Sénat, en « rentabilisant » au mieux leur participation dans un mouvement collectif ? Alors qu'elles n'ont décroché, pour l'heure, que des acquis assez peu significatifs, sinon une victoire symbolique et virtuelle dans le débat sur l'injustice. Certes, elles ont à disposition le magot inestimable d'un soutien massif et durable de l'opinion. Encore faut-il pouvoir le transformer en adhésions militantes.
Schématiquement, deux options divergentes se dessinent, qui esquissent une cassure de l'unité syndicale. Les radicaux - Sud, Unef, FSU - rêvent de rééditer le coup du CPE. Défaire dans la rue ce qui a été construit à l'Assemblée, quitte à battre en brèche le primat du pouvoir politique sur le pouvoir social. L'hypothèse est aussi hasardeuse que dangereuse. L'opinion continuera-t-elle à adhérer si, d'aventure, la pénurie d'essence et les blocages routiers finissent par perturber la vie quotidienne, si l'économie se trouve grippée, si les casseurs polluent les manifestations ?
Plus sagement, les modérés - CFDT, CGC, Unsa - estiment qu'au terme du vote au Sénat, force doit rester à la loi, au politique. Le hic, c'est que la CGT, qui donne le « la » de la musique protestataire, entretient une ambiguïté troublante. Depuis le début de la mobilisation, elle a plutôt assumé son rôle de leader avec esprit de modération et de responsabilité, ne refusant pas, a priori, l'idée d'une réforme, rejetant la grève générale. Renoue-t-elle avec ses vieux démons de syndicat radical ou cherche-t-elle, de façon plus opportuniste, à jouer double jeu ? À être à la fois modérée - pour marquer la CFDT - et radicale pour contrer Sud et ses alliés ?
Le jeu est dangereux mais, d'expérience, Bernard Thibault le sait et les résultats aux élections professionnelles le prouvent: il peut être gagnant.
La CFDT le sait aussi, à ses dépens. Pour le coup, elle doit assumer une partition à risque de tension, chez les routiers notamment. Pour elle, l'enjeu est clair, à défaut d'être simple. Il lui faut, tout en gardant sa ligne modérée, rester dans le camp des syndicats combatifs pour rompre avec cette image d'organisation trop conciliante qui lui colle à la peau depuis 2003. Résumons : l'atterrissage du conflit s'annonce très compliqué.
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