mardi 19 octobre 2010
Débordements
nous y voilà. Après les pacifiques manifestations de rue achevées en impasse, après les grèves reconductibles non reconduites faute de conducteurs, le mouvement d'opposition à la réforme des retraites, dans ses formes les plus extrêmes, est entré dans une troisième phase aiguë et imprévue : la délinquance. Comment qualifier autrement les actions, ou plutôt les exactions, auxquelles se livrent depuis ce week-end, sous couvert de syndicalisme, quelques groupes d'irréductibles agitateurs mus par le vain espoir de voir s'installer un nouveau désordre économique ?
Faut-il le rappeler, ni la loi de la République ni la convention implicite des conflits sociaux n'autorise à bloquer une raffinerie de pétrole, un dépôt de carburant, à entraver une voie ferrée ou un axe routier. Livré aux ultras, le combat syndical risque d'être dénaturé par ces actions malveillantes.
Ces insurgés de l'an 10 déploient l'étendard du droit de grève. Mais ils le desservent plus qu'ils ne le servent. A défaut de prospérité, la France, « terre irrédente » de libertés sociales, offre à ses enfants de labeur la faculté de s'y affranchir, parfois au-delà du raisonnable, des devoirs collectifs. Dans quel autre pays démocratique tolère-t-on sans s'émouvoir que tous les quotidiens soient empêchés de paraître quatre fois en un mois ?
L'un de ces premiers devoirs est, comme partout en démocratie, de s'en remettre à la légitimité supérieure du politique. Pour contester l'action d'un pouvoir librement élu, le temps long de l'élection doit l'emporter sur l'impatience de la rue. Un autre de ces devoirs, que l'on n'ose appeler le sens de l'intérêt général, devrait être de ne pas chercher tous les moyens de paralyser l'économie - en la privant par exemple de son carburant au sens propre -, au moment où l'appareil de production se relève à grand-peine de sa pire crise depuis près d'un siècle. L'état de nécessité économique justifie l'usage de la force publique pour éviter à des milliers d'entreprises une nouvelle épreuve.
La tournure prise par les événements est, bien sûr, un redoutable défi pour le gouvernement, tenu de réagir avec fermeté, mais aussi d'agir avec doigté afin de ne pas réveiller par l'émotion la colère populaire. Elle en est un aussi pour des syndicats aussi réformistes et responsables que le sont la CFDT et l'Unsa. La CGC a montré la voie hier en se désolidarisant de ces actions. Elle est encore bien seule. Tous les partis, opposition comprise, s'honoreraient à condamner explicitement ces débordements illégaux.
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