TOUT EST DIT

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vendredi 22 octobre 2010

Le temps des pièges


Tout mouvement social de grande ampleur s'avance sur un terrain « hors piste » non balisé, glissant et dangereux. L'issue de la mobilisation contre la réforme des retraites, repoussée par l'annonce de nouvelles manifestations, est d'autant plus incertaine qu'on se retrouve ¯ fait rarissime ¯ dans un conflit dénué durablement de toute négociation. Et démuni, a fortiori, d'acquis substantiels de nature à favoriser un atterrissage syndical en bon ordre.


Ainsi, le temps aidant, les défis de la sortie se compliquent singulièrement et ont tendance à se transformer en autant de pièges. La demande élyséenne d'accélérer et de clore au plus vite le débat au Sénat, en imposant le vote bloqué, le démontre et atteste d'une volonté de faire passer désormais la réforme au pas de charge.


Le piège le plus surprenant se niche, sans conteste, dans l'unité intersyndicale ! L'inhabituelle unité d'action n'est plus seulement le ciment qui a permis aux organisations de puiser un crédit fort et durable auprès de l'opinion. C'est aussi, aujourd'hui, un carcan, une obligation de solidarité qui contraint les syndicats modérés ¯ CFDT, Unsa ¯ à suivre les plus radicaux ¯ Sud, CGT, FSU ¯ dans la poursuite d'un mouvement aux desseins et aux contours moins clairs.


Ainsi, le premier qui rompt la chaîne devient le mouton noir de la classe syndicale et prend le risque de perdre sa part du pactole du soutien largement majoritaire de l'opinion publique. Même la CFE-CGC, qui n'a aucune affinité avérée avec les manifestations du moment, a dû se résoudre à rentrer dans le rang.


L'écueil le plus à craindre réside évidemment dans le possible « pépin » de parcours, l'accident de manifestation, dramatique accélérateur des événements s'il en est. Or, il faut reconnaître que ce risque évolue en terrain favorable, pour trois raisons, outre la durée qui attise les exaspérations.


La première tient à l'intrusion d'acteurs en rupture avec l'ordre républicain, casseurs de tous poils. La seconde est liée à la montée en ligne de lycéens et d'étudiants qui pratiquent, par nature, une contestation débridée et transgressive. Et qui recèlent aussi, dans leurs rangs, une minorité d'ultras inattendue. Les casseurs du moment ont parfois un look bon chic, bon genre, c'est inquiétant. La troisième raison tient à la radicalité persistante des positions et des comportements. Fermeté du gouvernement contre détermination des syndicats.


Reste l'inconnue de l'opinion, l'acteur invisible mais ô combien présent ! Malgré les débordements et les violences de ces derniers jours, malgré les files d'attente aux pompes et les troubles de la vie quotidienne, elle n'a pas cédé à sa célèbre volatilité. Elle persiste apparemment dans le soutien aux manifestations et même aux grèves. Reste à vérifier que cette adhésion passe les fêtes de la Toussaint.


Quoi qu'il en soit, l'obstination de l'opinion à suivre les manifestants ¯ et réciproquement ¯ est un avertissement majeur pour Nicolas Sarkozy. Derrière le refus de la réforme des retraites, c'est de plus en plus le rejet de sa politique, jugée discriminante entre la France d'en haut et celle d'en bas, qui se manifeste.

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