TOUT EST DIT

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lundi 13 septembre 2010

Un premier ministre présidentiel

On ne sait s'il faut le voir comme une récompense annonciatrice de lendemains glorieux, ou comme un cadeau de départ pour solde de tout compte. Le sondage Ifop JDD, qui consacre François Fillon comme premier ministrable préféré des Français après le remaniement de novembre, symbolise la revanche d'un second resté longtemps confiné dans un effacement frisant la disparition. Il préfigure, aussi, un problème politique qui avait échappé à ses théories minimalistes sur la fonction. Ses 55 %, loin devant une MAM disciplinée et un zélé Borloo, pourraient bien mesurer une réussite un peu trop éblouissante pour ne pas être zappée.
Voilà presque deux ans et demi que le chef du gouvernement est nettement plus populaire que le chef de l'État. Une apparente anomalie dans une Ve république où Matignon faisait traditionnellement office de rempart pour protéger l'Élysée. Mais c'était avant le bouleversement de la géographie des pouvoirs provoqué par le quinquennat et intensifié par l'hyperprésidentialisation. Désormais, le président, qui monte lui-même en ligne pour se battre sur tous les fronts, est à découvert, laissant à son premier ministre l'arrière et son relatif confort. L'intelligence de François Fillon, c'est d'avoir su donner de la consistance à cette mission d'intendance. Toujours calme, bien que ferme, il parvient à distiller un sentiment de sagesse après les passages à la hussarde de son chef. Loyal, il a réussi, avec une subtilité jésuite que les connaisseurs apprécient à sa juste valeur, à faire entendre la petite musique de sa différence. Solide et constant, il s'est discrètement mais constamment démarqué de l'agitation présidentielle.
C'est ainsi qu'il a imposé sa figure rassurante dans l'opinion. Jusqu'à l'inversion des rôles. Quand le président gesticule et tempête dans les polémiques, il expose tranquillement sa vision de la réforme des retraites. Jeudi soir, sur France 2, sa décontraction et son aisance furent presque royales. Des attributs que les Français aiment à trouver chez leur monarque républicain... et qu'ils cherchent désespérément dans le personnage enflammé d'un Nicolas Sarkozy, perpétuel candidat.
Le président fera-t-il payer à ce Premier ministre insolemment présidentiel ce renversement de hiérarchie en le congédiant avec fleurs et couronnes ? Que faire de celui qui apparaît déjà aux électeurs UMP comme un candidat de rechange bien plus prometteur que ne l'est aujourd'hui le vainqueur de 2007 ? Plébiscité par les siens, il serait sans doute encore plus dangereux en liberté que dans la cage du pouvoir. Pourvu, espère-t-on auprès du chef de l'État, qu'il ne se mette pas en tête de régner sur ses « populaires » après avoir mis dans sa poche tous leurs députés. Le roi, alors, serait nu.

Olivier Picard

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