Menacée, touchée, vulnérable. Au lendemain du 11 septembre 2001, c'était une évidence : l'Amérique avait beau être la première puissance militaire et économique du monde, son territoire n'était plus inviolable, ses moyens de défense imparables. C'est le propre du terrorisme, faire vaciller plus fort que soi. Les stratèges d'Al-Qaida y sont parvenus, au-delà probablement de leurs propres espérances. Le monde de l'après 11-Septembre n'est plus le même, l'Amérique non plus.
Neuf ans, deux guerres et une crise économique plus tard, il est un autre aspect qui ressort avec davantage de relief qu'en 2001. L'amalgame croissant, dans l'opinion publique, entre le terrorisme et l'islam. Comme si les attaques aériennes des commandos de Ben Laden avaient inoculé une « question musulmane » dans les veines de la démocratie américaine, pourtant viscéralement attachée à la liberté religieuse la plus large possible.
Un nombre croissant d'Américains, près d'un sur deux, pensent que l'islam encourage ses fidèles à la violence plus que les autres religions. Les épisodes de vandalisme se multiplient contre les mosquées ou de plus modestes centres de prière. La parole publique, sur Fox News mais pas seulement, s'embarrasse de moins en moins de précautions pour assimiler la religion musulmane à la pratique terroriste, voire au nazisme comme l'a fait récemment l'ancien président de la Chambre des représentants.
Plus encore qu'en 2001, on assiste ainsi à une montée d'islamophobie, exacerbée par le projet de construction d'un centre musulman près de Ground Zero, ou encore les délires d'un pasteur désireux de brûler le Coran. Ce regain d'intolérance religieuse nous en dit long sur l'état de fragilité de la société américaine, neuf ans après les attentats.
On aurait même l'impression d'y retrouver certains réflexes xénophobes si répandus actuellement en Europe. On peut aisément, il est vrai, repérer de sérieuses affinités entre les militants des Tea Party, rageusement déchaînés depuis l'arrivée d'Obama au pouvoir, et les populistes de tous poils qui, en Europe, prospèrent sur les répercussions sociales de la crise économique.
Sans faire de l'histoire des États-Unis un long fleuve tranquille de cohabitation religieuse, le Nouveau Monde s'est toujours distingué du Vieux Continent par son ouverture à toutes les églises et toutes les sectes imaginables, par un déisme amplement partagé, affiché même jusque sur le fameux billet vert. Tous les credo étaient admis autour du drapeau. Même l'islam. Pour de nombreux Américains, ce n'est plus vraiment le cas depuis un certain 11 septembre.
Il y va pourtant d'une des valeurs fondatrices de la démocratie américaine, et le président Obama a cru de son devoir, samedi, de préciser : « Ce n'est pas une religion qui nous a attaqués. » L'engagement dans ce sens de la très grande majorité des responsables religieux du pays est plutôt rassurant. Ce qui l'est beaucoup moins, c'est la propension de franges de plus en plus radicales de la droite chrétienne américaine à occuper le champ politique laissé vacant par le parti républicain, qui ne s'est toujours pas remis des années Bush.
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