Après une conversation téléphonique animée, le matin même, avec le président de la Commission, Nicolas Sarkozy aurait profité du déjeuner qui s'ensuivit pour poursuivre le débat en des termes pugnaces. Même s'il a démenti par la suite tout accrochage avec José Manuel Barroso au sujet des Roms, tout le monde connaît son tempérament. La veille, le Premier ministre avait été envoyé en éclaireur à Bruxelles pour dire à quel point le parallèle avec la Seconde Guerre mondiale, fait par la commissaire Viviane Reding, était insupportable. En réalité, l'Élysée a choisi une stratégie offensive, qualifiant «d'excuses» les propos de Mme Reding (qui a simplement dit regretter les interprétations), puis attaquant les Luxembourgeois, priés de prendre des Roms chez eux, et renvoyant de ce fait la commissaire à ses origines. Or, comme le lui a rappelé le Premier ministre luxembourgeois, Jean-Claude Juncker, les commissaires agissent au nom de l'intérêt général et ne peuvent être réduits à leur nationalité. Mais le chef de l'État ne supporte pas plus Juncker que Barroso, qu'il a jugés inexistants durant la crise financière. Et sa vision nationaliste va à l'encontre du laisser-faire qui prévaut en Europe. N'oublions pas que Nicolas Sarkozy a compris que Jacques Chirac était mort politiquement au lendemain de l'échec du référendum européen qui marquait la fin du rêve d'intégration des pères fondateurs. Si Nicolas Sarkozy a été fort logiquement soutenu par Silvio Berlusconi, le représentant le plus emblématique du populisme en Europe, Angela Merkel s'est contentée de discrètes réserves. Il est vrai que les Allemands expulsent eux aussi des Roms. Au total, malgré les cris d'orfraie des élites européennes, le président français creuse son sillon nationaliste pour couper l'herbe sous le pied de Marine Le Pen.
Hubert Coudurier
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