Une fois n'est pas coutume, les oracles du climat social, les Cassandre de la météo politique auront raison : la rentrée sera chaude. Voilà bien vingt ans qu'ils l'annonçaient et qu'aucune éruption ne se produisait plus avant la fin de l'automne dans un pays moins enclin, au retour des vacances, aux problématiques collectives qu'aux préoccupations personnelles. Nul doute cette fois : chauffés tout l'été sur les plages par les caravanes syndicales, assourdis au feuilleton de l'affaire Bettencourt-Woerth, nourris de l'injustice supposée faite aux Roms, les Français se mobiliseront en masse demain. Contre tout et rien, contre la réforme des retraites, contre la rigueur imposée par la crise, mais aussi contre la politique de sécurité, contre ces liens prêtés au pouvoir avec l'argent, contre un style de présidence, et puis, et puis, et puis…
Le communiqué final de cette apothéose de la contestation populaire - précédée, en lever de rideau, d'un mouvement d'enseignants -est déjà écrit par les syndicats. Vrai ou faux, il y aura demain, pour les besoins de la cause, 2 millions de manifestants au bas mot. Mais il ne faut pas s'y tromper, ce ne sera pas le début d'une dynamique incontrôlable similaire à celle de l'automne de 1995, mais la fin d'un cycle. Car, même si d'autres journées seront programmées, les syndicats se sont bel et bien résignés à voir l'âge légal de la retraite passer de 60 ans aujourd'hui à 62 ans en 2018. En atteste la tentative de François Chérèque de négocier sur la deuxième borne, celle de l'âge donnant droit à la retraite au taux plein (65 ans qui doivent passer à 67 ans). A quoi bon mobiliser la France entière pour obtenir des concessions - sur la prise en charge de la pénibilité du travail notamment -que l'Elysée, Claude Guéant, a de nouveau offertes hier ? Pour revenir sur la réforme des retraites, la CFDT et la CGT placent maintenant leurs espoirs sur le printemps 2012, pas sur l'automne 2010.
Pour cette raison et parce que la réalité sociale est devenue meilleure, avec la baisse du chômage et l'accalmie dans les plans sociaux, cette rentrée pourrait bien n'être pas si périlleuse que cela pour Nicolas Sarkozy. Au contraire, puisque le débat parlementaire sur la réforme des retraites aura pour mérite de faire revenir à la surface l'immense mur financier que représente un système perdant 30 milliards d'euros par an alors qu'il engloutit déjà 15 % de la richesse nationale. Le vrai, le seul danger de la rentrée serait, au prétexte d'antisarkozysme, de contester, de minorer, de différer une réforme qui pèche plutôt par défaut que par excès de sévérité.
JEAN-FRANCIS PÉCRESSE
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