TOUT EST DIT

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lundi 27 septembre 2010

Ainsi va notre vie politique

On parle beaucoup de réformes et il est vrai que le flot de « changements » intervenus, ces dernières années, est impressionnant, pour ne pas dire parfois indigeste. Bien entendu, tout changement n'est pas réforme et on a trop pris l'habitude, en France, d'adopter la fameuse formule cynique du prince de Salina dans Le Guépard : « Il faut que les choses changent pour que tout reste le même. »

Il y a un domaine où l'on ne se préoccupe même pas de donner le change : celui du style politique et des relations entre gouvernement et opposition, entre pouvoir et corps intermédiaires. L'exemple de la réforme des retraites l'illustre.

Le point de départ ne souffre pas de contestation : cette réforme est urgente, indispensable et douloureuse. Il est aussi normal que les intérêts et les points de vue divergent. Le rôle du gouvernement est de proposer des solutions, celui de l'opposition et des syndicats de faire des contre-propositions. Comme le sujet est fort complexe et que personne ne détient de solution magique, il serait opportun que, grâce à des débats et négociations, les partenaires puissent trouver, autour d'une table, le plus large consensus, à défaut d'être d'accord à 100 %. C'est ce qui s'est passé dans la plupart des pays européens « civilisés » ! Mais pas en France, où chacun s'évertue à jouer selon les vieux rituels politiques.

Pour commencer, le gouvernement arrête son projet en solitaire et livre un texte ficelé, que l'on déclare non négociable tout en se disant prêt à améliorer le texte. Mais, annonce-t-on, ceci ne sera envisagé qu'après les manifestations prévues. Et, bien entendu, si quelques concessions sont envisageables, il est clair que l'essentiel est intangible.

L'opposition ne se comporte guère mieux, écartelée entre le refus de la réforme ¯ toujours payant électoralement à court terme ¯ et la conscience que celle-ci est indispensable à moyen et à long terme. Le compromis est souvent trouvé dans des faux-fuyants ou des à-peu-près hypocrites, telle la promesse de revenir à la retraite à 60 ans, mais en maintenant la durée et le taux des contributions. Le choix des futurs retraités risque d'être cornélien car, à 60 ans, ils n'ont pratiquement aucune chance d'avoir suffisamment cotisé pour obtenir une pension à taux plein. Mais l'honneur sera sauf : la retraite sera rétablie à 60 ans. Marché de dupes...

Les syndicats y vont de leur partition habituelle : mobilisation en forme de grèves, dont on a parfois le sentiment qu'elles servent de canalisation et d'exutoire pour les mécontentements. De toute manière, les syndicats qui auraient eu des velléités de discussion ne sont pas invités à en débattre. Ils sont donc condamnés à jouer le jeu convenu que l'on attend d'eux, quitte à ce que l'on se parle en coulisses. Mais ¯ chut ! ¯ que cela ne se sache pas...

Périodiquement, la France se paye des accès de fièvre aussi violents que stériles, faute d'espace de dialogue et de négociation. C'est aussi une fort mauvaise éducation démocratique qui se diffuse dans tout le corps social, de l'école à l'université en passant par l'entreprise.

Il y a besoin de réformes en France. Mais il y a d'abord besoin de changer l'art de réformer, pour éviter le cocktail explosif d'autoritarisme et de rébellion dont notre pays n'arrive pas à se défaire.

(*) Président émérite de l'Institut universitaire européen de Florence.

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