TOUT EST DIT

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lundi 27 septembre 2010

Du nouveau à l'est de l'Europe

Après la réconciliation entre la France et l'Allemagne et celle entre l'Allemagne et la Pologne, l'actuel rapprochement entre la Russie et la Pologne est-il en train de confirmer le statut de l'Europe comme le « continent de la réconciliation » ?

Le ministre russe des Affaires étrangères, Dimitri Lavrov, était cet été l'invité de la conférence des ambassadeurs de Pologne à Varsovie. Et à Moscou, lors de la conférence des ambassadeurs de Russie, le président Dimitri Medvedev a présenté le processus de réconciliation avec la Pologne comme une des avancées majeures de la diplomatie russe.

Face à ce développement nouveau, il convient d'éviter deux écueils, celui de l'excès de naïveté et celui de l'excès de cynisme.

En mettant l'accent sur leur volonté de transcender un passé douloureux symbolisé par le massacre, sous ordre de Staline, des élites polonaises à Katyn en 1940, Moscou et Varsovie poursuivent des objectifs parallèles même s'ils ne sont pas similaires. Il s'agit pour les Russes comme pour les Polonais de renforcer leur image. « Regardez comme nous avons changé, nous sommes capables d'émotion et de compassion », nous disent les Russes. Au lendemain de la tragédie de Smolensk, qui a vu la disparition dans un accident d'avion d'une partie importante des élites militaires et politiques de Pologne, l'ambassade de Pologne à Moscou était entourée « de bouquets de fleurs et pas de fils barbelés ». A un moment où les progrès de l'économie russe ne sont pas à la hauteur des attentes de ses dirigeants, pourquoi ne pas remédier, pour partie au moins, à ce « déficit d'image » ? Pour la Pologne, l'enjeu est moins éthique que diplomatique. Il est normal qu'il en soit ainsi. La Pologne n'est pas seulement le pays le plus « démocratique » des deux. Elle est aussi celui qui a le plus souffert et ce depuis des siècles de la présence de « l'ours russe » à ses côtés. Pour Varsovie, le processus de réconciliation avec Moscou est la preuve qu'elle est bien « un grand d'Europe » et « le pont » dont l'Union européenne a besoin dans sa relation avec la Russie. Depuis que l'Ukraine est plus ou moins revenue dans la sphère d'influence de la Russie, être un pont avec Kiev n'a plus tellement de signification. C'est avec Moscou qu'il convient de traiter directement.

Cette vision réaliste est nécessaire, mais elle n'est pas suffisante. Car, au-delà des calculs des dirigeants, il y a les émotions des peuples. La recherche de la vérité historique - au coeur du processus de réconciliation -est une protection contre le retour des vieux démons. « La vérité sur Katyn est encore plus importante pour les Russes que pour les Polonais », disait il y a quelques jours à l'Ifri, lors d'une conférence sur le thème de la réconciliation, l'historienne russe Natalya Lebiedeva. « Pour les Polonais, Katyn, c'est le passé, pour les Russes, c'est le futur : c'est le spectre du retour toujours possible du stalinisme. »

La réalité est plus complexe. En Pologne aussi, on assiste à la résurgence d'un populisme nauséabond. Plusieurs mois après la tragédie de Smolensk, les théories sur le « complot russe » fleurissent. Mais la Pologne est une démocratie véritable. En Russie aujourd'hui, la nostalgie du stalinisme, présente jusque dans les manuels scolaires, est d'une nature plus préoccupante.

Le processus de réconciliation, auquel contribuent activement l'Eglise catholique polonaise et l'Eglise orthodoxe russe, peut-il représenter une forme d'autoprotection pour les deux pays ? Les plus de 30 millions de Russes qui ont vu à la télévision le film d'Andrzej Wajda sur Katyn ne pourront plus regarder le stalinisme avec une certaine nostalgie de la « grandeur ».

Tout processus de réconciliation entre deux pays entraîne une dynamique qui n'est pas que bilatérale. La réconciliation entre la France et l'Allemagne a été la condition et le point de départ de la construction européenne. La réconciliation entre la Pologne et la Russie pourra-t-elle contribuer à donner un souffle nouveau au continent européen à un moment où il est gagné par le doute sinon la paralysie ? Le triangle de Weimar - entre Paris, Berlin et Varsovie -peut-il redynamiser la relation franco-allemande ? La Russie via la Pologne va-t-elle se redécouvrir européenne ?

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