TOUT EST DIT

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jeudi 19 août 2010

Photo et dignité

Si les réseaux d’Internet ne démultipliaient pas l’impact du moindre document publié sur un site personnel, l’affaire ne serait pas devenue une affaire. L’épisode n’en serait pas moins affligeant : une jeune femme militaire dans l’armée israélienne a trouvé plaisant, et peut-être excitant, de se faire photographier près de prisonniers palestiniens, les yeux bandés et les mains attachées, comme on le fait devant un paysage, un monument… ou un trophée. Cela témoigne d’un état d’esprit bien peu respectueux de l’autre, fût-il ennemi. Accompagnée de ses commentaires douteux, l’image aurait pu rester cantonnée à un petit cercle, dans les arcanes de Facebook.

Or ces photos ont fait le tour du monde et la sottise d’une seule se transforme en affaire d’État. Les Palestiniens y lisent le mépris des Israéliens à leur égard. Pourtant, sans ambiguïté aucune, l’armée israélienne a exprimé sa désapprobation, en précisant que la jeune femme était démobilisée depuis plusieurs mois. Et le directeur du comité israélien contre la torture, Yishaï Menuchin, s’est inquiété publiquement d’une attitude « devenue une norme, consistant à traiter les Palestiniens comme des objets et non comme des êtres humains ». La scène photographiée n’a certes pas la violence de celles filmées en 2004 par les soldats américains à Abou Ghraïb en Irak, mais la volonté d’humiliation, pas forcément consciente, semble bien la même.

Les images datent de 2008. Les autorités, militaires et civiles, ont exprimé fermement leur réprobation. Le site n’est plus accessible. La jeune ex-soldate ne comprend toujours pas où est sa faute, mais présente des excuses aux personnes qui se seraient senties blessées. Alors, point final ? Pas tout à fait, car de nombreux médias, en commentant l’histoire, le plus souvent avec des mots sévères pour la jeune soldate, ont publié l’une des photos objets du scandale. Amplifiant ainsi l’offense faite à des prisonniers en état de faiblesse, que pourtant ils condamnent. Au nom de l’information, sans doute. Quand accepterons-nous de ne pas tout montrer, parce que tout n’a pas à être montré ?



Dominique Quinio

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