TOUT EST DIT

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mercredi 11 août 2010

L'ombre du doute

C'est la deuxième religion de notre pays, et la mosquée de Paris, la plus ancienne sur notre territoire, a érigé son minaret de 33 mètres au cœur du quartier latin dès... 1922. Mais pour beaucoup de Français, elle continue d'être regardée comme une étrangère. Une intruse suspecte, marquée du sceau d'un doute majeur. L'islam et ses valeurs sont-ils compatibles avec la République, et au-delà, avec l'idée qu'on se fait de la France éternelle ? Certains répondent non sans hésitation.
Si tous les musulmans de France avaient le même profil que Lies Hebbadj, « le boucher halal » de Nantes, polygame, mis en examen pour viol aggravé sur une de ses compagnes, fraudeur aux allocations familiales, et partisan du niqab pour toutes les femmes, on pourrait comprendre une certaine réserve à leur égard. Mais l'immense majorité des cinq à six millions de musulmans de France n'a rien à voir avec Liess Hebadj. L'immense majorité de ces cinq à six millions de musulmans est composée de Français comme les autres, et fiers de l'être, pratiquant leur religion discrètement et faisant le ramadan dans le respect absolu de nos lois.
Le fondamentalisme et le terrorisme islamique ont noyé leur image dans les confusions et les amalgames. Ils peinent encore à trouver leur place, pourtant légitime, dans la maison de la « fille aînée de l'Église ». Ministre de l'Intérieur en charge des cultes, Nicolas Sarkozy avait œuvré avec beaucoup de clairvoyance et d'intelligence à leur reconnaissance au sein de notre état laïc en orchestrant la création du Conseil français du culte du musulman (CFCM). Ce fut un pas très prometteur qui donnait à notre pays une dimension à la fois moderne, lucide et ouverte sur une civilisation qui compte, dans le monde, plus d'un milliard et demi de croyants.
Le président de la République, qui a souvent déclaré, avec sincérité, que l'islam représentait un apport très positif pour la France semble avoir renoncé, depuis, à promouvoir cette idée juste. Le plus souvent originaires du Maghreb ou d'Afrique, les musulmans français peuvent légitimement se sentir stigmatisés, aujourd'hui, par le concept de « Français d'origine étrangère » manipulé dangereusement par les amis du chef de l'État. En distillant une méfiance généralisée clairement tournée contre les Français d'origine immigrée, le gouvernement prend ainsi le risque de les rejeter dans ce repli identitaire et religieux que, précisément, il prétend combattre.

Olivier Picard

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