TOUT EST DIT

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mercredi 11 août 2010

Colbert et le capitaliste

Opération majeure dans une industrie mondiale de l'énergie en perpétuelle transformation, le rachat d'International Power par GDF Suez couronne d'abord le succès du rapprochement de GDF et de Suez, deux groupes qui, lors de l'annonce de leur projet de fusion début 2006, n'étaient pour l'un qu'un gazier moyen dans un monde de géants, pour l'autre un conglomérat menacé de démantèlement par un groupe public italien.

On se souvient du chemin semé d'embûches qui finit par aboutir, il y a deux ans, à la fusion. Entre une droite peu pressée de « privatiser » GDF avant la présidentielle de 2007 - « il n'y a pas de majorité pour cela », craignait le président de l'UMP de l'époque… Nicolas Sarkozy -et une gauche qui avait inscrit dans son programme la constitution d'un improbable « pôle public de l'énergie » réunissant GDF et EDF, et qui déposait 137.000 amendements à l'Assemblée, entre des syndicats hostiles, galvanisés par l'échec du CPE et des actionnaires de Suez inquiets pour la valorisation de leur patrimoine, le projet faillit mourir plusieurs fois.

Pendant des mois, les pires bêtises économiques furent ainsi évitées de justesse, grâce notamment à la persévérance du PDG de Suez, Gérard Mestrallet, et au soutien de son actionnaire historique, Albert Frère. Les Français manifestant parfois un curieux talent pour dilapider leurs atouts, souvenons-nous, au moment où l'on réfléchit à l'avenir de la filière nucléaire, que ces erreurs auraient débouché sur la marginalisation peut-être définitive de deux importants groupes français… au nom d'une politique industrielle privilégiant les dividendes électoraux.

Aujourd'hui, GDF Suez est non seulement devenu un « champion » de l'énergie, remplissant la promesse de la fusion face à la cohorte des sceptiques de l'époque, mais il franchit, avec International Power, un nouveau seuil sur la scène internationale. Sa capacité de production électrique dépassera les 100.000 mégawatts, avoisinant celle du leader mondial EDF en France, et il disposera du deuxième portefeuille gazier privé. Grâce aux actifs du groupe britannique, il va enfin accroître sa présence dans les marchés émergents, là où la demande d'énergie connaît la plus forte croissance.

Si l'attelage de Colbert et d'Albert Frère au sein du capital de GDF Suez peut sembler insolite, preuve est faite que les intérêts patrimoniaux de l'Etat-actionnaire peuvent converger pour le meilleur avec ceux du capitaliste. Tant mieux ! Et tant mieux si, deux ans après, les péripéties politiques qui avaient entouré la fusion n'en paraissent que plus dérisoires.



NICOLAS BARRÉ

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