TOUT EST DIT

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mercredi 18 août 2010

Comment Wall Street a finalement gagné contre Cleveland

Sorti dans les salles ce mercredi, le documentaire "Cleveland contre Wall Street" met en scène le procès fictif des victimes de "subprime" contre les banques américaines. Mais derrière la fiction, la réalité est tout autre...
Sorti dans les salles le 18 août, le documentaire du réalisateur suisse Jean-Stéphane Bron, "Cleveland contre Wall Street" met en scène le procès fictif des victimes des "subprimes" contre les banques américaines accusées d'être responsables des saisies immobilières qui dévastent les quartiers de la ville.
Le vrai procès a-t-il eu lieu ?

Oui. Il s'agit formellement du cas "The City of Cleveland v. Ameriquest Mortgage Securities Inc". Le 11 janvier 2008, Josh Cohen et ses associés, avocats de la ville de Cleveland, assignent en justice les 22 banques qu'ils jugent responsables des saisies immobilières qui dévastent la ville. Une centaine de milliers de personnes incapables de rembourser leurs prêts hypothécaires ont en effet été expulsées de leur maison, notamment à Slavic Village, un quartier noir ouvrier et pauvre, rebaptisé "Groundzero" par ses habitants. Pour la ville, cela s'est notamment traduit par une chute des revenus fonciers mais aussi par une recrudescence du vandalisme et de la criminalité, les gangs et dealers s'étant installés dans certaines maisons abandonnées. Sur le banc des accusés, figurent les grands noms financiers, parmi lesquels Bank of America Corp, Citigroup, Goldman Sachs, JPMorgan Chase, Morgan Stanley et Wells Fargo. Josh Cohen veut montrer que Wall Street s'est enrichi sur le dos des emprunteurs pauvres, via la vente aux investisseurs de titres adossés aux crédits subprimes, comme les Collateralized Debt Obligations (CDO). L'avocat de Cleveland est persuadé que les grandes banques ont envoyé des organismes hypothécaires sur le terrain pour convaincre les habitants pauvres de contracter des prêts subprimes, en sachant pertinemment que, vu leur niveau de solvabilité, ils ne pourraient pas rembourser. Certains courtiers n'hésitaient pas à gonfler les revenus des emprunteurs pour être sûrs de faire passer leur prêt. Une issue qui n'inquiétait pas les banques, qui se débarrassaient du risque de défaut via la titrisation. Longtemps retardé, le procès a finalement eu lieu. Le 27 juillet 2010, la ville perd en appel. Les juges concluent que le lien entre le comportement des banques et la situation de la ville n'est qu'"indirect". Ils mettent en avant d'autres facteurs qui ont pu jouer tout autant, à commencer par l'irresponsabilité des propriétaires qui ont choisi de contacter un prêt subprime pour s'acheter une maison qui était au dessus de leur moyen.

Cleveland est-elle la seule ville à avoir tenté de punir les banques pour la crise des subprimes ?

D'autres villes américaines ont voulu faire des procès en 2008, sans grand succès. Ainsi, Birmingham, Alabama, Baltimore et Memphis ont perdu face aux banques qu'elles estimaient responsables de la détérioration de la ville. Mais elles ne se découragent pas. Armées de nouvelles preuves, Baltimore et Memphis ont de nouveau porté plainte en avril 2010. A plus grande échelle, les enquêtes judiciaires se sont multipliées récemment contre les pratiques de Wall Street. En avril, le gendarme américain des marchés, la SEC, a par exemple accusé Goldman Sachs de fraude pour avoir trompé les investisseurs à propos des CDO. Mais l'ouverture d'une enquête ouverte ne débouche pas systématiquement sur des poursuites. Dans le cas de Goldman, la banque d'affaires a accepté de payer 550 millions de dollars pour solder la plainte. Il s'agit quand même de la plus forte amende jamais infligée à une société de services financiers dans l'histoire de la SEC. Andrew Cuomo, le procureur général de New York, aquant à lui assigné en mai huit banques - américaines et étrangères - soupçonnées d'avoir cherché à induire en erreur les agences de notation, afin d'obtenir de bonnes appréciations pour les produits structurés liés à l'immobilier qu'elles émettaient. La justice américaine enquête également sur la façon dont les banques ont vendu des produits liés aux subprimes, en particulier les américaines Goldman Sachs, Morgan Stanley et Citigroup, ainsi que l'allemande Deutsche Bank et la suisse UBS. Toutefois, il est difficile de prouver que les banques, qui ont toutes essuyé de fortes pertes pendant la crise et dans la foulée de l'effondrement du marché immobilier américain, ont sciemment trompé leurs clients.
Y a-t-il encore autant de saisies immobilières ?

Il y en a de plus en plus. Le nombre de saisiesaux Etats-Unis a augmenté de 4% en juillet sur un mois. 325.229 logements ont ainsi fait l'objet d'une procédure, que ce soit une notification de retard de remboursement, une annonce de ventes aux enchères ou encore une repossession bancaire. Le nombre total de procédures a dépassé les 300.000 pour le 17ème mois consécutif, selon RealtyTrac. Les repossessions bancaires en particulier ont enregistré un quasi-record, touchant 92.858 logements. Et la situation n'est pas prête de s'arranger de sitôt, alors que l'économie américaine continue de détruire des emplois.
La réforme financière d'Obama résout-elle le problème des subprimes ?

Pas complètement. Elle prévoit la création d'un Bureau de la protection des consommateurs financiers pour surveiller les crédits abusifs. Malheureusement, certains établissements, notamment les petites banques, échappent à sa supervision. Surtout, la loi aurait pu aller plus loin en obligeant les prêteurs à proposer des crédits aux conditions claires, à taux fixes, sans pièges cachés dans le contrat... Toutefois, la réforme devrait contribuer au moins indirectement à réduire les risques liés aux prêts de type subprime. D'une part, en obligeant les émetteurs à retenir une plus grosse partie du risque attaché aux prêts sur leur bilan, la réforme oblige les prêteurs à être plus vigilants sur la qualité des emprunteurs. D'autre part, nombre de produits dérivés qui s'échangent de gré à gré devront soit être standardisés et échangés sur des bourses publiques, soit passer par des chambres de compensation. Cette transparence accrue permettra de mieux évaluer le risque lié aux produits dérivés comme les CDO.

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