TOUT EST DIT

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mercredi 18 août 2010

Quand le marché des céréales s'envole


Les plaines russes s'enflamment. Moscou interdit les exportations. Le prix du blé flambe sur les marchés mondiaux. À peine trois ans après la crise de 2007-2008, peut-on se fier à un marché mondial aussi erratique ? Il serait temps que l'Union européenne redéfinisse une Politique agricole commune, qui protège les agriculteurs de ces variations excessives, et qui soit plus responsable vis-à-vis de l'alimentation du monde.

Le prix du blé était redescendu, en juin, à 4,50 dollars le boisseau sur le marché de Chicago, et à 125 dollars la tonne pour la cote à Paris. Avant le 15 août, les prix étaient respectivement montés à 7,34 dollars, à Chicago, et à 210 à Paris. Grosso modo, la hausse est de 65 %. Pourquoi une telle augmentation ? Le ministère de l'Agriculture américain, le 12 août, chiffrait la baisse de la récolte mondiale de blé à 15,34 millions de tonnes, qui ramènerait le total à 645,7 millions. Une baisse de seulement 2,3 % !

Même à ce niveau révisé, la récolte de cette campagne serait la troisième récolte historique après celle de 2008 et celle de l'année dernière. Ces deux bonnes récoltes avaient permis de reconstituer les stocks de report, passés de 120 millions de tonnes, pendant la crise de 2007, à 200 millions l'année dernière.

Compte tenu d'une consommation mondiale estimée à 655 millions, le prélèvement sur les stocks serait de 10 millions. Pas de quoi entraîner la panique !

Dans le monde, la production de céréales continue d'augmenter plus rapidement que la population, en particulier en Inde et en Chine. En trente ans, les exportations de céréales ont augmenté d'à peine 15 % quand la production progressait de 70 %. Le marché mondial perd donc de l'importance dans l'approvisionnement des pays de la planète. Il ne représente que 18 % de la production de blé, 10 % de celle de maïs et 7 % de celle de riz.

Or ce marché mondial sert de plus en plus de référence pour les politiques agricoles qui sont menées, en particulier dans l'Union européenne. La volatilité croissante des prix, dont la crise actuelle est une illustration, risque de mettre en péril l'alimentation du monde. La précédente crise a fait passer le nombre des personnes qui souffrent de la faim de 850 millions à un milliard en deux ans.

Le monde a « la capacité de nourrir le monde », pour reprendre l'expression célèbre d'Edgard Pisani. Mais pour produire, les agriculteurs ont besoin d'un minimum de sécurité. C'est essentiellement un problème politique qui concerne l'Europe, premier producteur de blé avec 21 % de la récolte mondiale. Or, l'Union se laisse bercer par les chimères de l'Organisation mondiale du commerce, et feint de croire que les produits agricoles sont des marchandises comme les autres ! Dans la crise actuelle, il a suffi d'une baisse des estimations de 2 % pour que les prix augmentent de 65 % !

Le drame que vivent les agriculteurs russes mériterait plus de solidarité et plus d'efficacité pour en limiter les inconvénients sur l'alimentation du monde. Voilà un objectif ambitieux pour réformer la Pac. Il est possible que cette ambition agricole donne, de surcroît, des idées aux pays de l'Union pour sortir de la crise économique, en pariant sur la solidarité plus que sur la compétition entre les nations.
Lucien Bourgeois

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