TOUT EST DIT

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vendredi 6 août 2010

Combat d'avant ou d'arrière-garde ?

Le gouvernement a clairement décidé d'engager le combat contre les délocalisations dans l'industrie ou les services. Mi-juillet, Laurent Wauquiez, secrétaire d'Etat à l'Emploi, avait déjà annoncé haut et fort son intention de s'attaquer au départ du sol français des centres d'appels téléphoniques. Surtaxation des appels provenant de centres à l'étranger, aides aux entreprises choisissant de rester ici, publication d'une liste de celles ayant fait le choix inverse… Plusieurs dispositions sont sur la table. Hier, nouvelle étape. L'Etat a sélectionné la première société qui bénéficiera de la nouvelle prime à la relocalisation, à tirer sur une enveloppe globale de 200 millions d'euros. En l'occurence, il s'agit d'une fonderie de Dreux qui va rapatrier sa production déplacée en Chine.

Ces bonnes intentions sont louables. La France a perdu 2 millions d'emplois industriels en trente ans et chacun sait que les voitures, lave-linge ou vêtements achetés sous pavillon tricolore peuvent être fabriqués ailleurs. Depuis cinq ans, le nombre de téléopérateurs travaillant pour des firmes françaises au Maroc, en Tunisie, au Sénégal ou à l'île Maurice (entre autres) a été multiplié par six. Tous les responsables politiques des pays développés essaient de freiner le mouvement. Pourquoi pas nous ?

Et pourtant, il faut bien le dire : cette attitude n'est pas sans ambiguïté. Il serait facile, d'abord, d'ironiser sur l'échec des dispositifs de ce type précédents, comme celui de 2005. Heureusement, les exemples toujours cités (au demeurant peu nombreux), les lunettes Atol, les meubles Samas, les Taxis Bleus ou Meccano, ont relocalisé une partie de leur production pour d'autres raisons que les aides publiques (robotisation, qualité de la main-d'oeuvre, délais de transport)… ! Le deuxième risque, ensuite, qui n'est contradictoire qu'en apparence avec le premier, est que, quand il se met en branle, le mécanisme pourrait bien coûter fort cher aux contribuables par emploi recréé, bien plus que si cet argent avait été dépensé en formation des personnes. Le troisième est que les pays visés et que nous souhaitons être nos clients, comme actuellement le Maroc, sont en droit de crier au protectionnisme.

Mais l'essentiel n'est pas là. L'essentiel est que ce discours est porteur d'une vision raccourcie du fonctionnement actuel de l'économie : un bien serait fabriqué ou chez nous ou ailleurs. C'est en réalité bien plus complexe. Dans un livre paru en 2008 (« La Grande Transition »), l'enseignant à l'Ecole des ponts Pierre Velz cite l'exemple d'une brosse à dents de marque américaine « assemblée aux Etats-Unis, dont la fabrication met en jeu 11 sites industriels dans 8 pays d'Asie, d'Europe et d'Amérique et dont les 38 composants parcourent 30.000 kilomètres par air, mer et route ». Il ne faudrait pas non plus oublier les gains fantastiques en termes de pouvoir d'achat entraînés par la mondialisation dans les pays développés depuis vingt ans.

Si les politiques publiques nationales peuvent modifier la donne à la marge, c'est en réalité sur un autre levier que ceux qui espèrent un nouvel équilibre doivent compter : les revendications salariales à l'oeuvre dans les pays émergents (Chine, Bangladesh…).


DOMINIQUE SEUX

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