TOUT EST DIT

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vendredi 6 août 2010

Sécurité : la fin d'un clivage partisan ?

Point d'orgue d'une campagne de communication savamment orchestrée sur le thème de la sécurité, le sondage IFOP paru dans Le Figaro du vendredi 6 août a rassuré la majorité. Selon cette enquête d'opinion, les Français souscrivent à une nette majorité aux propositions faites par Nicolas Sarkozy à Grenoble en matière de délinquance. Qu'il s'agisse du retrait de la nationalité aux Français d'origine étrangère coupables d'agression sur un policier (80 % d'opinions favorables) à la condamnation des parents de mineurs délinquants (55 % d'opinions favorables), les mesures les plus polémiques sont soutenues par l'opinion, le plus souvent à plus de 60 % ou 70 %.
Et, le plus souvent également, sans clivage partisan. "Sur la majorité des questions, la gauche se montre en adhésion avec les propositions du gouvernement, note Frédéric Michaux, directeur adjoint d'IFOP-Opinion. C'est une évolution culturelle, notamment par rapport à la perception de la délinquance, qui correspond à un sentiment général : en 2007, 50 % des Français disaient se sentir menacés par l'insécurité. Cette année, ils sont deux sur trois." Quelques thèmes restent différenciés, comme l'enfermement des parents de mineurs délinquants, nettement plus soutenu à droite qu'à gauche.

Pour le spécialiste des sondages, cette enquête reste toutefois surprenante à plus d'un titre. "En dépit de la multiplication des lois sécuritaires, des annonces dans le domaine, il n'y a toujours pas d'effet de saturation sur l'opinion. Au contraire, alors qu'on pouvait penser que les Français trouveraient que certaines mesures vont trop loin, il y a un niveau d'adhésion très fort." Selon Frédéric Michaux, il faut y voir "l'effet d'une suite d'événements, de faits divers, qui ont marqué l'opinion. Les Français ont parlé autant de l'assassinat de l'A6 [un jeune homme battu à mort pour un accrochage en juillet] que de l'affaire Bettencourt ! Cela montre le décalage entre médias et opinion."

"MONTÉE DU RACISME ET DE LA XÉNOPHOBIE"

Mais au-delà du contexte marqué par les violences urbaines, ce sondage traduit également une remontée du sentiment xénophobe qui inquiète associations et observateurs. Me Marc Leyenberger, rapporteur de la Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH), qui a publié un rapport annuel alarmiste sur la question, le reconnaît : "Il y a une certaine montée du racisme et de la xénophobie. L'adhésion des Français à ces mesures ne m'étonne donc pas." Selon lui, plus que l'origine, c'est la religion qui crée le clivage. "Les Français acceptent mieux les étrangers, mais la dimension religieuse prend le pas sur l'origine ethnique. Dans nos enquêtes, on n'obtient pas les mêmes réponses si l'on parle de Maghrébins ou de musulmans."

L'avocat note également une baisse des clivages partisans sur cette question. Dans un sondage réalisé pour le rapport 2009 de la CNCDH, 11 % des sympathisants de gauche se disaient "un peu" ou "plutôt" racistes. "Cela relève de questions de société. On sent que les gens qui votent à gauche ne sont plus aussi tolérants qu'auparavant. Il y a une tendance généralisée au 'ras-le-bol'". Pour lui, il faut tenir compte de l'impact de la crise. "Le rejet augmente dès lors qu'on a le sentiment de risquer de perdre son travail au profit d'un étranger."

Mais il ne néglige pas non plus l'effet du politique. "A partir du moment où l'on cherche à stigmatiser une population, cela a un effet dans l'opinion." Et d'incriminer un gouvernement qui "ne réagit que s'il se produit un événement. Regardez les Roms ! Cela fait des années que nous tirons la sonnette d'alarme sur la précarité de leur situation, mais il faut attendre qu'il se passe un événement grave pour en entendre parler."

"LA GAUCHE A BESOIN D'APPORTER DES RÉPONSES FORTES À LA DÉLINQUANCE"

Rien d'étonnant non plus, selon lui, à ce que la sécurité devienne un argument de communication. "Puisqu'on ne fait rien pour lutter contre cette situation, le politique finit par se dire qu'il va s'en servir. Je suis inquiet et je ne suis pas le seul, admet Marc Leyenberger. Il y a une résurgence de l'extrême droite, et dire à ces gens 'je vous comprends', c'est faire de la politique politicienne, qui ne va pas dans le sens de trouver des solutions raisonnables."

L'UMP et le chef de l'Etat profiteront-ils de la situation ? "Pour l'instant, l'opinion ne tire pas de constat d'échec de la politique de Sarkozy en matière de sécurité, même s'il avait besoin de se recrédibiliser dans ce domaine", répond Frédéric Michaux. Qui reste cependant prudent : "Le soutien aux mesures proposées ne signifie pas que l'opinion soit convaincue pour autant qu'elles seront efficaces ni qu'elles régleront le problème." Quant à la gauche, "l'enquête montre qu'elle a besoin rapidement d'apporter des réponses fortes sur le thème de la délinquance".
Samuel Laurent

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