TOUT EST DIT

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vendredi 21 mai 2010

Pourquoi la France et l'Allemagne ne se comprennent pas

En dépit d'une unité de façade, la crise de la zone euro a provoqué des frictions à répétition entre la France et l'Allemagne. Les explications de Jacques-Pierre Gougeon, directeur de recherche à l'IRIS.

Derrière les déclarations d'unité, les relations franco-allemandes semblent tendues depuis la crise grecque. Qu'en pensez-vous ?

Les relations sont en effet beaucoup moins fluides entre les deux pays qu'à l'époque du G20 de Londres, où Paris et Berlin étaient apparues particulièrement soudées. C'est d'ailleurs ce qui avait donné lieu à l'adoption rapide de mesures. Mais la crise grecque a mis un coup d'arrêt à cette entente. La question de la gouvernance économique européenne reste un sujet de friction très important: l'Allemagne ne veut pas donner à l'Europe un rôle décisionnel, et la France veut une intégration politique plus forte.

La France semble reprocher l'Allemagne d'avoir fait preuve d'égoïsme national pendant la crise grecque?

La France a mal compris la position allemande pendant la crise grecque. Mais pour comprendre ces divergences il faut bien avoir à l'esprit que les deux pays ont une culture économique très différente. Alors que la France privilégie l'interventionnisme et la relance par la croissance, l'Allemagne, elle, s'évertue à préserver la stabilité et la solidité monétaire. Du coup les moyens d'actions de l'un et de l'autre sont divergents. Même s'il est toujours difficile de concevoir cela du côté français, l'Allemagne a fait un véritable effort, notamment en acceptant que la BCE adhère au principe d'acheter de la dette publique pour se porter au secours des Etats. Pour Berlin, c'était une petite révolution qu'il faut saluer.

Les dirigeants des deux pays ne cessent de se contredire. Quand Merkel dit "l'euro est en danger", Lagarde répond que ce "dernier n'est absolument pas en danger". Que faut-il en penser ?

C'est dangereux, cela perturbe considérablement les marchés, qui retiennent avant tout la désunion entre les deux pays. Mais cela montre aussi que les pouvoirs en place n'ont pas réussi à surpasser leurs querelles de personnes...

C'est-à-dire ?

Personne n'ose vraiment le dire mais tout le monde sait qu' Angela Merkel est parfois très irritée par l'attitude de Nicolas Sarkozy. Quand au lendemain de la réunion européenne pour le sauvetage de l'euro, ce dernier est le seul homme politique à rester sur place pour faire une déclaration officielle, il y a de quoi être légèrement agacé. Toute la presse allemande s'en est d'ailleurs largement fait écho.

Récemment, c'est pourtant Angela Merkel qui a fait cavalier seul, en interdisant la vente à découvert. Décision qui a eu pour conséquence de faire plonger l'ensemble des Bourses...

C'est vrai. La chancelière allemande est actuellement dans une position délicate : son ministre des finances a des problèmes de santé, elle vient de subir un désaveu politique en Rhénanie du Nord-Westphalie, et doit faire face à de nombreuses critiques sur son manque de réactivité. Résultat, elle a pris les devants, en proposant seule cette interdiction. Et s'est fait prendre à son propre piège...

Angela Merkel semble aussi vouloir redonner à l'Allemagne toute sa puissance, notamment au niveau européen. Qu'en est-il ?

Pendant longtemps l'Allemagne a été considérée au sein de l'Europe comme un géant économique, mais un nain politique. Elle finissait toujours par s'incliner devant les décisions de Paris, comme lorsqu'elle a accepté d'abandonner le deutschemark pour intégrer l'euro. A cette époque, l'Allemagne a énormément payé pour le reste des pays européens, quand d'autres Etats faisaient cavalier seul, à l'image de la Grande Bretagne. Mais avec l'arrivée des nouvelles générations au pouvoir, l'Allemagne a redécouvert les concepts de puissance nationale et d'intérêts nationaux. La crise actuelle n'a fait qu'accentuer ce sentiment. Et pour cause, aujourd'hui, elle a une économie qui tient la route, alors qu'elle a été très affectée pendant la crise, bien plus que la France, et un taux de chômage de seulement 7,5%, quand en Hexagone il frôle les 10%. Sur beaucoup de sujets elle refuse donc de recevoir des leçons de la France, notamment en matière sociale. Et cela, la classe politique française a du mal à le concevoir.

Quels sont les risques associés à ces tensions ?

Une mauvaise coordination franco-allemande est toujours à craindre. D'autant plus que les dossiers à venir sont très importants, comme la régulation financière par exemple. Mais sur ce point je ne suis pas particulièrement inquiet. Les deux pays partagent plus ou moins les mêmes convictions, et présentent les mêmes intérêts. Par contre, si l'on prend l'exemple de la PAC, qui doit bientôt faire l'objet de négociations, alors là, la France, dont les intérêts nationaux sont évidents, pourrait y perdre.

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