TOUT EST DIT

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vendredi 21 mai 2010

Crise de vertiges


Qui peut imaginer ce que représentent 95 milliards de dollars à dégager en trois ans ? La somme est si monumentale qu'elle en devient immatérielle. Le défi présidentiel est placé si haut qu'il se transforme en une abstraction mathématique froide et lointaine. A l'inverse, le prix individuel de l'effort national annoncé hier par le chef de l'État s'affiche immédiatement, visuellement, dans l'imaginaire d'un grand nombre de ménages français. D'un côté, la perception floue d'une menace virtuelle. De l'autre, la certitude instinctive d'un tour de vis à très court terme. Le décalage a toutes les chances de provoquer un choc psychologique majeur.
Pendant trente ans, les Français ont vu leurs gouvernements s'accommoder d'un déficit budgétaire grandissant sans que les ministres ne soient affectés d'une anxiété particulière. A l'automne 2007, Éric Woerth avait même expliqué publiquement qu'on pouvait « faire une pause » dans la modération des dépenses publiques amorcée par Dominique de Villepin à la fin du second mandat de Jacques Chirac. Un peu plus tard, Christine Lagarde nous parla de « bon déficit ». Il fallait doper la croissance... Abreuver en crédits l'énergie du changement. Trois ans plus tard, le message change radicalement : le débit abyssal des comptes de la nation est devenu une peste à combattre à tout prix. De quoi brouiller les repères de l'honnête homme et ébranler la conscience économique collective de tout un pays.
Vouloir remettre le navire à flot, comme le propose le président, c'est une priorité de bon sens si on veut éviter une faillite générale dans dix ans, comme la théorise Jacques Attali. Mais pourquoi avoir attendu le tout dernier moment pour réagir ? Et là, c'est le courage de la société politique qui est en question.
Comme tous les prosélytes, Nicolas Sarkozy, nouveau converti à la rigueur financière, fait dans la surenchère. 100 milliards - ou presque - économisés en trois ans, c'est une ambition qui dépasse le raisonnable : elle a été accueillie avec scepticisme à la quasi unanimité des économistes de toutes écoles... Sacrer la discipline budgétaire en l'inscrivant dans la Constitution, fort bien - l'Allemagne l'a fait - mais en l'état cela ressemble surtout à une repentance verbale, séduisante, tellement française et largement... incantatoire.
Quant à la rigueur, on ne la chantera pas sur les toits. Chut ! Mais on va la mettre en musique. Tailler dans les « dépenses d'intervention », c'est, concrètement, raboter le RSA, l'aide personnalisée au logement, l'allocation aux adultes handicapés. Conditionner les dotations de l'État aux collectivités locales à des critères de bonnes gestion, c'est recentraliser. Supprimer ou rétrécir les niches fiscales, c'est augmenter les impôts de ceux qui en profitent. Il ne s'agit pas de crier au scandale mais d'appeler un serrage de ceinture un serrage de ceinture.

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