TOUT EST DIT

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mardi 18 mai 2010

Impressionnisme

L'essentiel serait-il dans le ressenti ?
La réforme des retraites s'annonce comme une épreuve où la psycho comptera plus que l'arithmétique. Impression de justice. Impression d'égalité devant l'effort à fournir. Impression de bâtir un système durable. Impression de respecter le modèle français. Impression de sauvegarder les grands acquis... Le succès - ou l'échec - de ce rendez-vous politique essentiel dépendront beaucoup de la capacité du gouvernement et des partenaires sociaux à donner au compromis final une enveloppe d'irrationnel qui pourra faire consensus au delà des désaccords.
Il y a une bonne base. Les Français, dans leur grande majorité, ont instinctivement compris que le statu quo était impossible. Ils sont plutôt convaincus désormais du poids de la contrainte démographique et c'est un point important pour le pouvoir face à des syndicats qui peinent à persuader l'opinion que d'autres ressources que le temps sont mobilisables. Mais le pays oppose aussi l'inertie d'un scepticisme global : pas moins de 77 % des Français ne croient pas en un avenir meilleur, et pour 85 % d'entre eux cette morosité anxieuse tient à... la perspective d'une retraite fragile et paupérisante.
Lucide sur ce moral national, historiquement bas, le gouvernement a donc choisi de leur dessiner un paysage flouté de ce qui les attend. Oui, ils devront travailler plus longtemps mais les très riches paieront plus. Donnant-donnant ! Et on tiendra compte de la pénibilité et des carrières commencées très tôt. Donnant-donnant ! La préservation du régime par répartition est une garantie qui pèse lourd dans la balance de l'inconscient collectif : l'impression d'avoir écarté le régime par capitalisation est réelle, mais elle se paiera par un report de fait - sinon sur le papier - de l'âge de la retraite. Donnant-donnant...
Respectable, cette stratégie d'adhésion ne pourra fonctionner que si elle dégage une... impression d'équilibre. Si demain la contribution au système des revenus les plus élevés, et du capital, s'avérait aussi symbolique que son esquisse, l'impression qui prévaudra sera celle d'un marché de dupes. D'un trait de crayon sans signification pour rassurer les classes moyennes en estompant légèrement le bouclier fiscal sans le gommer.
S'il veut marquer des points et avancer, comme il le souhaite, vers un consensus national, le pouvoir doit désormais offrir des gages de sa sincérité. Et sans fioritures. En encadrant aussi strictement les négociations à venir, il risque de cantonner les syndicats dans un jeu en contre. De les repousser dans une attitude traditionnelle de conservation et de résistance quand un dossier aussi complexe nécessitait sans doute une vraie nouveauté dans les relations sociales en France : la cogestion d'un grand enjeu de société.

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