TOUT EST DIT

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mardi 18 mai 2010

La réforme à pas mesurés


Emblématique peut-être, fondamentale sûrement pas. Les grandes orientations de la réforme des retraites dessinée par le gouvernement empruntent les chemins accessibles d'un changement modéré, sinon consensuel. Sans les risques de la radicalité. Elles laissent surtout ouverte la question centrale : les efforts concentrés sur un allongement de l'activité seront-ils suffisants ? Au vu du décalage avec les simulations du Conseil d'orientation des retraites (Cor), on peut avoir quelques doutes sur la réponse.

À l'évidence, la réforme portée par l'Élysée porte plus la marque du modéré Raymond Soubie, le discret mais efficace conseiller social du Président, que de Nicolas Sarkozy, l'homme d'une rupture apparemment plus de saison. Y compris dans le mode communication. L'annonce rompt avec les effets de manche médiatique dont raffolait outrancièrement le Président il n'y a pas si longtemps. Elle se concentre sur l'essentiel, non sur le spectaculaire. Elle privilégie enfin les relais essentiels de la concertation que sont les partenaires sociaux.

Bref, après la réforme a minima des régimes spéciaux en 2008 ¯ avec, déjà, le label Soubie ¯ la nouvelle réforme se garde bien d'annoncer le grand soir de... l'unification des multiples régimes qui font l'originalité et le problème français. Car le moins que l'on puisse dire, c'est qu'elle est prudente. Non seulement elle s'inscrit dans une démarche progressive, comme cela s'est passé, au demeurant, chez nos grands voisins, mais elle évite d'agiter les chiffons rouges qui auraient pu souder le consensus du refus, donner le maximum de prise frontale à la contestation.

La remise en cause directe de l'âge légal de départ à 60 ans ¯ le totem auquel se raccrochent les syndicats ¯ est éludée, même si le « travailler plus longtemps » devient la colonne vertébrale des orientations gouvernementales. Alors que l'alternative de la capitalisation, qui faisait partie intégrante des options sarkoziennes d'origine, est remisée au placard. Bien plombée, il est vrai, par la folie erratique des marchés financiers.

Mieux, en articulant des options d'efficacité (allongement de la durée d'activité) à des mesures de justice (contribution des hauts revenus et du capital), la réforme est habile. Elle prive d'emblée les contestataires d'un levier de mobilisation majeur. En puisant dans la boîte à outils des opposants et en donnant même l'impression de fendre le bouclier fiscal, elle désarme, en partie, les bazookas syndicaux et politiques. Du moins dans l'immédiat. Car il reste évidemment à prouver et vite, d'ici à l'été, que la réforme ne relève pas du pâté d'alouette, une once d'équité (sympathique) pour des kilos d'efficacité (douloureuse).

Quoi qu'il en soit, et en attendant d'afficher opportunément la couleur au plus près des congés estivaux, le gouvernement peut espérer tempérer les ardeurs contestataires... Tout particulièrement de la CFDT. Le syndicat de François Chérèque peut, moins que d'autres, trouver à redire à un texte qui s'inspire assez largement, sur le papier, de ses préoccupations revendicatives : carrières longues, emploi des seniors, polypensionnés, pénibilité, promesse d'une réforme plus fondamentale à terme. Mais il se souvient aussi d'expérience ¯ 2003 n'est pas si loin ¯ et, plus que d'autres, du lourd prix à payer à adhérer à une réforme gouvernementale. Le réformisme est peut-être plus compliqué à vivre que la radicalité.
Paul Burel

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