Dans le langage du rugby, on appelle cela le « French Flair », une sorte de créativité typiquement française, par opposition à la rigueur du jeu britannique, réputé moins fantaisiste mais plus efficace. Cette particularité ferait la force des équipes du continent, sauf quand elle se traduit par des fautes et des maladresses. Bref, le spectacle serait plus beau, mais la victoire pas forcément assurée. Il semble que les joueurs français aient aujourd’hui appris, pour leur plus grand bénéfice, à mettre un peu de raison dans leur passion.
Le sujet est infiniment plus grave, mais osons l’analogie. Dans le domaine des relations sociales, il existe une « culture » typiquement française. Contrairement à d’autres pays européens, notre pays avance vers les réformes en ordre très dispersé. Chaque étape de l’actuelle réflexion sur les retraites illustre cette division, spectaculairement affichée dans les médias, même si dans leur for intérieur certains partagent le même diagnostic et seraient d’accord sur une partie des remèdes. L’annonce par le gouvernement des pistes qu’il souhaite soumettre aux partenaires sociaux a provoqué les réactions attendues : « insuffisant », « flou » (qu’aurait-on entendu si la proposition était arrivée, avant concertation, toute ficelée ?), idéologique… Même l’annonce – certes non chiffrée – d’une contribution des hauts revenus et des revenus du capital n’a pas réussi à convaincre d’une inflexion significative du plan gouvernemental, en association avec la solution d’un allongement de la durée de cotisation ou le changement de l’âge légal de la retraite.
On n’en est qu’au prologue et chacun reste dans son rôle, ou plutôt dans son jeu de rôle. On espère que les différents acteurs accepteront d’assouplir leur posture pour rapprocher les positions. Si l’on veut une adhésion de l’ensemble des Français, une acceptation des sacrifices demandés, une compréhension de la gravité des enjeux – la sauvegarde du système de répartition, sans érosion du montant des retraites –, il faudra bien, dans le dialogue social à la française, instiller quelques gouttes de raison et d’esprit de consensus. Sinon, au bout de la partie, on comptera beaucoup de perdants.
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