TOUT EST DIT

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mardi 18 mai 2010

Ah ! si Godard n'était pas là...

Eh bien tant pis, c'est comme ça, il a fallu faire sans lui. La Croisette s'en remettra mais tout de même... Attendu hier pour accompagner la sortie de son "Film socialisme" - quel titre, mes aïeux ! -, le plus turbulent des cinéastes de l'après-guerre a finalement fait faux bond en une de ces dérobades dont il a le secret, mi-sursaut de provocation, mi-aveu de lassitude. Ce devait pourtant être un des moments forts de ce 63e rendez-vous du 7e art qu'on dit un peu morose. Les caméras étaient prêtes à capter son broussailleux visage lunaire d'éternel mal luné. Et les micros déjà suspendus à l'énigmatique formule que n'allait pas manquer de balbutier le réalisateur de "Pierrot le Fou". En fait de déclaration, il y eut juste un pseudo-mot d'excuse adressé au directeur, Thierry Frémaux : "Avec le Festival, j'irai jusqu'à la mort, mais je ne ferai pas un pas de plus". Avec, en prime, cette très cabalistique formule : "Wild Bunch, Vega Film, Alain Sarde, suite à des problèmes de type grec, je ne pourrai être votre obligé à Cannes". Comprenne qui voudra. Les pessimistes en déduiront que l'ex-enfant terrible des sixties est en faillite, ce qui, soit dit en passant, n'est pas tout à fait un scoop. Les autres tenteront de se délecter de l'ambiguïté d'un propos qu'on dirait tout droit sorti de ce qui sert encore de dialogues à ce qu'on appelle toujours ses films. Reste une chose. Une fois de plus, Jean-Luc Godard - c'est de lui qu'il s'agit, faut-il le préciser - a réussi à s'affirmer sans être là. Mieux : de sa défection, il aura tiré un excédent de présence. Un paradoxe au cœur duquel réside toute la force des mythes, même lorsqu'ils n'apparaissent plus qu'en ombre "chinoise". À 80 ans, le fantôme des rives du Léman n'aura rien dit de l'âge de la retraite, ni du monde comme il va, pas plus qu'il n'aura commenté la libération de Clotilde Reiss. Mépris ou pas, il faudra se satisfaire de sa nouvelle petite vague cannoise. En se persuadant que, décidément, la rigueur est partout.


Didier Pobel

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