TOUT EST DIT

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vendredi 2 avril 2010

Les pays candidats à l'euro craignent d'être victimes de la crise grecque

Ils sont hors de la zone euro, mais voient d'un très mauvais oeil la crise provoquée par la dérive budgétaire de la Grèce : les Etats jeunes membres de l'Union européenne (UE), à l'est et au nord-est, s'inquiètent de devoir patienter plus que prévu avant de pouvoir adopter la monnaie unique.

"Les Etats membres de la zone euro n'ont pas respecté leurs propres règles", a tancé l'ex-présidente lettone Vaira Vike-Freiberga, aujourd'hui membre d'un "comité des sages" chargé de repenser l'avenir de l'UE. "Se servir de cela comme excuse pour ne pas tenir ses promesses envers les futurs membres, je trouve cela franchement nul", s'est-elle agacée lors d'un débat en Pologne, lundi 29 mars, avec des responsables gouvernementaux et financiers.
Parmi les anciens pays du bloc communiste, seules la Slovénie et la Slovaquie ont, à ce jour, adopté la devise européenne. La liste des candidats est longue. Les trois Républiques baltes - Estonie, Lettonie, Lituanie - ont déjà lié leur monnaie à l'euro par un taux fixe.

L'Estonie espère l'adopter d'ici à 2011. La Bulgarie souhaite, elle, intégrer dès cette année le mécanisme de change européen (MCE II), antichambre de l'entrée dans la zone. Tirant argument de la crise, la Pologne et la Hongrie avaient même prié, en 2009, les fondateurs de l'euro de simplifier les procédures d'adhésion. En vain. A l'époque, la monnaie unique semblait constituer un bouclier efficace pour se protéger de la crise financière. Mais le quasi-naufrage grec met à rude épreuve la cohésion de l'union monétaire (16 Etats membres), et fragilise son élargissement.

En principe, les candidats à l'euro doivent adopter la monnaie unique dès lors qu'ils respectent les critères de convergence fixés par le traité de Maastricht : finances publiques en ordre, maîtrise de l'inflation, taux de change stable.

Du côté de la Banque centrale européenne (BCE), on est très à cheval sur le respect de ce cahier des charges. Pour les banquiers centraux, il ne s'agit pas seulement d'un examen de passage : le respect des critères de sélection doit être durable. "Il ne suffit pas de passer le radar à la vitesse limite, résume un haut dirigeant monétaire européen. Les pays qui veulent rentrer dans l'euro doivent être capables de respecter ces critères à long terme, même avec la politique monétaire de la BCE."

Après les turbulences de ces derniers mois, les grands pays pourraient être tentés de concentrer leurs efforts sur la consolidation de la zone euro avant de l'élargir. La France pourrait mettre en avant les difficultés grecques pour inciter l'Allemagne, traditionnellement plus encline à élargir la zone euro, à la prudence. "Il est clair que la crise grecque est un rappel à l'ordre, dit un expert financier. Elle met en lumière les problèmes de compétitivité des pays : l'euro, cela vous donne cinq ou six ans de déficit sans pleurs, mais la sanction arrive à un moment ou l'autre".

"Nous n'allons pas poser de nouvelles conditions, seulement parce que nous avons un problème avec un membre de longue date de la zone euro", a rétorqué Angela Merkel. Intransigeante avec la Grèce, la chancelière allemande exige de traiter "loyalement" les candidats à l'euro.

A Vilnius, Sofia ou Varsovie, on redoute un durcissement des règles. "Ce serait une grosse erreur", a jugé, début mars, le premier ministre lituanien Andrius Kubilius, dont le pays avait été recalé de peu en 2007, en raison d'une inflation trop volatile. Certains responsables européens ont déjà appelé, l'an passé, à une refonte des critères de sélection, en y intégrant notamment celui de la balance des paiements. Chez les nouveaux Etats membres, elle est souvent déficitaire, à cause de l'afflux de capitaux étrangers investis dans ces économies en pleine transition.

"Les responsables européens vont sans doute tenter de dissuader discrètement quelques candidats, affirme Gunter Deuber, économiste à la Deutsche Bank et spécialiste de l'Europe de l'Est. La prudence est justifiée pour certains, qui sont encore en plein rattrapage. Mais d'autres ont fait leur devoir et méritent leur ticket d'adhésion, comme l'Estonie."

Les pays de la région n'ont pas les mêmes faiblesses économiques. La Hongrie a une dette publique importante qui frise les 80 % de son produit intérieur brut (PIB). Frappée de plein fouet par la crise, elle a été mise à l'automne 2008 sous perfusion financière par le Fonds monétaire international (FMI) et l'UE. Les pays baltes ont, eux, souffert d'une inflation galopante avant d'être à leur tour ébranlés par la crise.

Mais beaucoup ont engagé d'importantes réformes structurelles afin de se conformer aux règles de Maastricht. L'Estonie, par exemple, a pris des mesures d'austérité draconiennes, dont des baisses de salaires à deux chiffres. Elle fait aujourd'hui figure de solide prétendant. Mais la porte pourrait, après elle, se refermer durablement.
Marie de Vergès et Philippe Ricard (à Bruxelles)

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