INTERVIEW - A quelques heures de l'ouverture du 49e congrès de la CGT, à Nantes, le secrétaire général répond à la tendance «dure» du syndicat, qui juge qu'il «fréquente» trop l'Elysée.
LE FIGARO. - Les syndicats ne sont plus capables de parler d'une seule voix alors que le chômage grimpe toujours. L'unité est-elle morte ?
BERNARD THIBAULT- Le premier semestre 2009 a été caractérisé par des journées de mobilisation exceptionnelles et par de nombreux conflits disparates. Nous avons ensuite buté sur un problème structurel : la faiblesse de l'implantation syndicale dans les entreprises. Et l'attitude de certaines centrales, FO en tête, n'a pas aidé à maintenir l'unité. Mais aucune organisation n'a aujourd'hui la capacité d'inverser seule le cours des choses. Nous avons donc intérêt à poursuivre dans cette démarche d'unité pour peser face au gouvernement et au patronat.
Que retenez-vous de votre action, depuis dix ans à la tête de la CGT ?
Une grande majorité pensait en 1999 que la mort, même lente, de la CGT était inscrite. Non seulement nous avons démenti les pronostics les plus sombres d'une CGT marginalisée et symbolique, mais nous avons au contraire réussi au fil des ans à affirmer notre statut de syndicat français de salariés le plus influent. Cela ne doit pas pour autant nous rendre euphoriques. J'annoncerai aujourd'hui en introduction du congrès que nous sommes 654 500 adhérents, soit autant qu'il y a dix ans. Nous ne pouvons pas nous en satisfaire. Cela veut dire néanmoins que, compte tenu des changements intervenus dans l'économie depuis dix ans, nous avons réussi à nous implanter, même faiblement et insuffisamment, dans de nouveaux secteurs.
Pourquoi avez-vous du mal à vous implanter dans le privé et les PME ?
La trouille reste le principal obstacle à un salarié qui songe à se syndiquer ! On ne reproche jamais à un médecin, un avocat ou une entreprise d'adhérer à un syndicat, mais on ne l'admet pas d'un salarié. La discrimination syndicale est un frein objectif. Par ailleurs, l'écart se creuse de plus en plus entre les lieux où nous sommes implantés et ceux où le salariat se développe. Nous devons donc revoir notre organisation interne pour coller mieux à la réalité du terrain. Tous nos syndicats devront réfléchir à leur périmètre. L'avenir n'est pas à un corporatisme poussé à l'extrême mais à la définition d'un rapport de forces plus large qu'aujourd'hui.
Vous parlez de réforme de structures, mais ne faut-il pas surtout changer les pratiques syndicales ? Une nouvelle grève commence samedi à la SNCF : comment le salarié du privé bloqué sur un quai de gare peut-il avoir envie de se syndiquer ?
Je vous rassure tout de suite : le même salarié s'adressera à la CGT dès que son emploi sera menacé ! Et ce, même s'il subit parfois les conséquences d'une grève qu'il lui arrive de comprendre et de soutenir.
La CGT s'affiche de plus en plus avec la CFDT. Jusqu'où ira votre duo avec François Chérèque ?
C'est la CGT qui se rapproche de la CFDT ou l'inverse ? La CFDT m'a invité à débattre de l'avenir du syndicalisme lors de son université d'été. Il y a quelques années, elle était persuadée d'incarner seule cet avenir… Peut-être se dit-elle que la CGT n'a pas tout faux dans ce qu'elle dit et fait.
Le rendez-vous 2010 sur les retraites ne va-t-il pas faire exploser cette entente, comme le précédent, en 2003 ?
Les retraites ont toujours été un sujet de clivage entre nous et il est possible qu'elles le soient encore. À chaque fois que les organisations syndicales se sont présentées en ordre dispersé, l'addition a été salée pour les salariés. Jamais la CGT n'acceptera une remise en cause de la retraite à 60 ans, comme le souhaite le Medef. Les retraites sont un sujet qui a toujours mobilisé les Français, et les gouvernements y ont laissé parfois plus que des plumes. Nous serons donc présents au rendez-vous, avec des propositions.
L'équité entre retraites du public et du privé va revenir en débat. Quelle sera votre position ?
Le président de la République, qui se félicite d'être le premier à avoir retouché les régimes spéciaux, a vendu cette réforme à l'opinion en se basant sur le principe d'équité. Il ne pourra pas nous faire deux fois le même coup, la cartouche a déjà été utilisée.
Nicolas Sarkozy a déclaré mardi que la France pouvait être «fière de son mouvement syndical» qui n'a pas «cédé à la démagogie». Vous le prenez comme un compliment ou cela vous gêne ?
Le chef de l'État aurait tort de croire que le climat social s'est amélioré en se basant uniquement sur l'absence de grandes mobilisations nationales. Il y a aujourd'hui un vrai climat revendicatif dans notre pays, même s'il est plus diffus qu'au premier semestre. Et il s'en rendra compte tôt ou tard.
Les propos du président sous-entendent que vous avez efficacement canalisé la colère des salariés. Considérez-vous que c'est votre rôle ?
Notre boulot est de faire en sorte que les salariés ne se cantonnent pas à exprimer leur colère mais qu'ils l'expriment en revendications et obtiennent des résultats.
Certains militants vous reprochent de négocier sans réserve avec Nicolas Sarkozy. Que leur répondez-vous ?
Certains pensent qu'il ne faut pas discuter avec le président actuel parce qu'aucune de nos revendications ne peut, par principe, trouver de réponse satisfaisante. Dois-je attendre 2012 ou plus tard, qu'un autre occupe le poste, pour essayer d'améliorer la situation des salariés ? Ce n'est pas l'histoire ni l'identité de la CGT. En même temps, le président raisonne en termes de rapport de forces sur tous les sujets. Si on veut que nos propositions soient examinées avec sérieux, il faut afficher une mobilisation de haut niveau.
Vous parlez de rapport de forces, mais on vous prête des « deals » avec le chef de l'État. Dernier en date : vous auriez validé la nomination d'Henri Proglio à EDF…
On m'attribue des phrases entre guillemets qui sont pur mensonge. J'aurais aussi dit au chef de l'État, lors de la réforme des régimes spéciaux : « Donnez-moi quatre jours et je mets fin à la grève. » C'est totalement faux. Certains cherchent à instaurer du doute sur la loyauté du secrétaire général de la CGT. Je mets au défi quiconque d'en apporter la preuve : j'ai été fidèle aux orientations fixées par le précédent congrès et en aucun cas coupable ou responsable de quelque « deal » que ce soit avec le président de la République, avec un ministre, avec un conseiller de l'Élysée, ou avec quiconque.
Qui voudrait «instaurer le doute» ? L'extrême gauche, le NPA, parfois soupçonné de vouloir infiltrer la CGT ?
Dès lors que vous occupez la première place, on cherche à vous déstabiliser. Mais je n'interprète pas les critiques comme quelque chose de structuré politiquement. Et, de toute façon, je n'ai aucune inquiétude : les premiers qui auraient la tentation de vouloir structurer la vie interne de la CGT sur des bases politiques seraient combattus par la grande majorité de nos militants et de nos adhérents. Il y a à la CGT une pluralité d'opinions qui s'exprime, d'autant plus que la majorité de nos adhérents n'appartient à aucun parti politique. Ce qui fait la force de la CGT est de pouvoir afficher son indépendance vis-à-vis de quelque parti que ce soit. Quant au NPA, il nous est arrivé récemment de faire une mise au point avec Olivier Besancenot, qui, en tant que responsable politique, prétendait s'ériger en professeur syndical. Et je note que ça va beaucoup mieux depuis.
Est-ce votre dernier mandat ?
La question se posera un jour ou l'autre mais pas aujourd'hui.
Vous n'aurez en tout cas que 53 ans à l'issue de votre prochain mandat. Y a-t-il une vie après qu'on a été secrétaire général de la CGT ? Retournerez-vous à la SNCF réparer des trains ?
Les matériels que je réparais n'existent plus ! Cela dit, j'espère bien qu'il y a une vie après, même si je n'ai pas le temps d'y réfléchir pour le moment. J'ai cet avantage d'être issu d'une entreprise à statut public qui assure une reconversion professionnelle à ses syndicalistes. Je ne serai pas à la rue, je demeure cheminot.
lundi 7 décembre 2009
Thibault : «Je n'ai passé aucun deal avec Sarkozy»
EH OUAIS, IL EMMERDE TOUT LE MONDE, MAIS RESTE UN PLANQUÉ DE FONCTIONNAIRE.
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