TOUT EST DIT

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mercredi 2 avril 2014

Peut-on être sourd à ce point ?

Peut-on être sourd à ce point ?


On doute fort que l'intervention télévisée du président de la République, hier soir, soit de nature à dissiper le "mécontentement" et la "déception" qu'il a cru percevoir dans le vote des Français ces deux derniers dimanches. Son discours n'était ni à la hauteur des circonstances ni à la mesure de la colère populaire que ce vote a traduite. D'abord la forme. En huit minutes expéditives, François Hollande a égrainé un chapelet de banalités sur le ton d'un commissaire-priseur pressé d'en finir avec sa corvée, sous un air d'indifférence totalement inexpressive. Pas un soupçon de sentiment, pas un effort d'empathie, pas une ombre de lyrisme comme savait faire Mitterrand, aucun regret, aucune exhortation à l'espérance. Cet homme-là est décidément aussi froid qu'un colin. 
Dimanche, la France a voté majoritairement pour le changement. Pour une autre politique, plus juste - chacun voyant la justice à l'aune de ses intérêts, ce qui rend le problème très complexe -, pour une politique plus efficace, plus cohérente, plus lisible. Et accessoirement pour le renouvellement du gouvernement. Or Hollande répond à cette aspiration en annonçant qu'il maintient le cap qu'il s'était fixé, à quelques ajouts près qui ne mangent pas de pain, tel ce "pacte de solidarité qui devrait correspondre au pacte de responsabilité".

"Différemment ?"

Pour l'essentiel, on ne relève pas une once de nouveauté dans ce qu'il a dit par rapport à ce qu'il disait en janvier dernier, rien qui démente ni ne corrige sa récente conversion à la social-démocratie : redonner de la force à notre économie, compter à cet effet sur les entreprises, assurer la transition énergétique, faire des économies, défendre la justice sociale, bref l'exacte répétition de ce que l'on sait, c'est-à-dire la négation du changement, alors que le pays vient de lui demander de changer. Peut-on être sourd à ce point ? Pas un mot pour préciser ou développer ses intentions et sa pensée. Il a prononcé cette phrase qui est un modèle d'inanité : "Produire plus, mieux, en France, différemment..." Qu'est-ce que cela veut dire : "différemment" ? Est-ce cela, une politique ? Est-ce ce langage qu'attendait le peuple qui vient de voter contre lui ?
Alors il est allé au plus facile, à l'accessoire, il a désavoué l'équipe gouvernementale qui s'employait depuis deux ans à gérer ses décisions et ses absences de décision, il s'est défaussé de ses responsabilités en répudiant son personnel, se croyant quitte ainsi de toute réponse légitime à la revendication populaire. Il a chassé Ayrault et refilé la patate chaude à Valls, qui, il est vrai, n'espérait que cela. Valls, parce que Valls est réputé l'homme le plus à droite de la gauche, donc le mieux placé pour répondre à la droitisation de l'électorat. Comme si le vote de dimanche avait une signification idéologique, alors qu'il s'est agi d'une réaction de protestation contre une politique incohérente ? Le limogeage d'Ayrault relève d'un calcul à courte vue. Passons sur l'inélégance du geste : en annonçant un "gouvernement de combat", Hollande ne dénonce-t-il pas la faiblesse de l'ancienne équipe ? 

Désordre politique

On souhaite beaucoup de courage à Manuel Valls. Il va lui falloir mener une politique qui sera l'exacte réplique de celle que les Français viennent de condamner, s'il est vrai que Hollande maintient le cap. Il va lui falloir le faire dans un contexte plus difficile que celui où pataugeait son prédécesseur, si l'on sait que déficit et dette s'alourdissent encore et que les quelques généreuses promesses faites hier par le président ne vont pas simplifier les problèmes. Il va lui falloir gérer les exigences des Verts et celles de la gauche de la gauche, au risque, s'il leur résiste, d'une crise parlementaire, à l'heure où la majorité donne au lendemain du vote de dimanche des signes de fragilité. Il va lui falloir affronter en juin prochain l'épreuve des élections européennes, dont l'issue est incertaine.
Il eût été plus simple de recourir à la dissolution, qui aurait permis d'ajuster le droit à la réalité telle que celle-ci vient de sortir des urnes. Faute de quoi le pays risque de vivre, au cours des trois années qui viennent, dans un désordre politique qui finira par exténuer son énergie.

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