On mesure évidemment tout de suite les limites de l’anaphore. En nommant Manuel Valls à Matignon, François Hollande montre certes qu’il n’est pas resté sourd au cri des Français après la déroute électorale. Mais la promotion du désormais ex-premier flic de France ne résoudra évidemment pas tous les problèmes du pays d’un coup de matraque, pardon, de baguette magique.
Le cap politique qui sera suivi – François Hollande l’a répété hier soir –, c’est celui qu’il a lui-même défini au début de l’année : une politique de l’offre visant à doper la compétitivité des entreprises pour tenter de ranimer la croissance. Manuel Valls devra exécuter la même partition que Jean-Marc Ayrault avait jouée avant lui avec loyauté pendant près de deux ans. Avec une difficulté supplémentaire, même ! Là où Jean-Marc Ayrault représentait un dénominateur commun pour l’ensemble de la gauche, Manuel Valls sera un repoussoir pour une partie de celle-ci. L’aile la plus radicale gronde déjà, menaçant même de ne pas voter le futur « pacte de responsabilité » (des baisses de charges pour les entreprises en échange de créations d’emplois), cœur de la nouvelle politique élyséenne, si des gages suffisants ne sont pas donnés à la gauche. Et les Verts le guetteront aussi au tournant. Après la rupture avec les électeurs, gare à la défiance de la majorité ! Si elle venait à se rebeller, l’Elysée n’aurait plus d’autre choix que l’arme atomique : celle de la dissolution de l’Assemblée nationale !
La pression sera par ailleurs encore plus forte sur les épaules du chef de l’Etat. Le changement de Premier ministre, a-t-on coutume de dire en France, est un fusil à un seul coup ou presque. François Hollande ne devrait plus avoir beaucoup d’autres occasions d’en changer jusqu’à la fin de son mandat. Mais d’ici là, les écueils seront nombreux sur sa route. Il lui faudra traverser des tempêtes (à commencer par les élections européennes de fin mai qui s’annoncent mauvaises pour la gauche) et redonner confiance en l’avenir.
Si Manuel Valls peut apporter quelque chose, ce sera son autorité. S’il a été choisi, c’est moins pour son profil politique, qui ne correspond pas forcément à l’attente d’un électorat de gauche déçu, que pour son tempérament. Il devra être le « professionnel » qui remettra sur les rails un gouvernement qui ressemblait jusqu’ici trop souvent à une équipe d’amateurs.