vendredi 14 mars 2014
L’État policier au visage débonnaire
François Hollande n’est pas un amateur. Pour se maintenir au pouvoir, c’est même un grand professionnel. Qui nous prend pour des naïfs.
Il faut que les Français comprennent que l’excès de pouvoir est la règle du régime et non l’exception, que la déviation progressive des institutions résulte d’un plan délibéré et non d’une série de mauvais hasards. François Hollande a toujours été un bon élève. Il a si bien assimilé le régime dont il exerce l’ensemble des pouvoirs depuis deux ans qu’il en assume aussi et très consciencieusement les dérives dénoncées par son mentor François Mitterrand, il y a cinquante ans. SonCoup d’État permanent, paru en mai 1964, faisait le procès d’un général de Gaulle dictateur, pratiquant « l’alternance de la menace et de la flatterie », apprivoisant « les dépositaires de la loi », amortissant « par d’habiles promesses les exigences de complices trop pressés »…
Mais comment intenter à François Hollande un procès en dictature, lui si rond et si débonnaire, ce “monsieur petites blagues”, ce “capitaine de pédalo”, ce collégien surpris au petit matin de ses évasions nocturnes affublé d’un casque de scooter ? Et pourtant, quand le même François Hollande confie aux députés qu’il reçoit autour d’un verre que rien ne lui est plus insupportable que « le procès en amateurisme », parce que rien n’est plus faux, il a raison. On se tromperait gravement en faisant de ceux qui se sont installés au pouvoir des amateurs. Pour la bonne gestion du pays et le redressement de son économie, sans doute, mais pour se maintenir là où ils sont, sûrement pas. Ce sont plutôt de grands professionnels qui se dissimulent derrière un État totalement désacralisé et se permettent tout sans que l’on puisse dire qu’ils tirent les ficelles : cela marche tout seul.
Voyez cette affaire Sarkozy — l’ancien président de la République placé sur écoute, et son avocat, Me Thierry Herzog, avec lui. Tout cela est resté secret pendant un an, et pourtant, que de monde impliqué ! Non seulement les juges qui ont pris la décision des écoutes et ne pouvaient pas se saisir sans leur hiérarchie, mais aussi les équipes de policiers mobilisées et le bâtonnier de l’ordre des avocats. Comme les écoutes doivent être autorisées tous les quatre mois, le bâtonnier sera donc prévenu trois fois au cours de la procédure. Celle-ci rendue publique, cinq cents avocats vont dénoncer une atteinte délibérée au secret professionnel propre à l’exercice de leur métier.
Quant aux deux juges qui ont tout déclenché, elles n’avaient pas besoin d’instructions. Leurs orientations politiques les libéraient de toute réserve. Elles diligentent même des perquisitions chez l’avocat de Nicolas Sarkozy (celui-ci l’ayant déjà été de multiples fois), saisissent ses téléphones portables : que reste-t-il des droits de la défense ? Mais naturellement, le pouvoir ne sait rien, affirme comme toujours M. Jean-Marc Ayrault.
M. Harlem Désir prétend « laisser la justice faire son travail en toute indépendance ». Sauf que la garde des Sceaux, Mme Taubira, a signé une circulaire pour pouvoir suivre ce genre d’affaires. Publiée au Bulletin officieldu ministère de la Justice le 31 janvier dernier, cette circulaire précise que « le garde des Sceaux doit être [et non pas peut être, NDLR] renseigné sur les procédures présentant une problématique d’ordre sociétal, un enjeu d’ordre public, ayant un retentissement médiatique national ». En annexe de cette même circulaire figurent les critères des procédures « devant être signalées » : « la personnalité de l’auteur ou de la victime » — en particulier les élus, les corps constitués, etc. — et la « médiatisation possible ou effective de la procédure ». La ministre de la Justice maintient néanmoins qu’elle ne savait rien. Une version contredite formellement par le Canard enchaîné du 12 mars.
Or la révélation de ce scandale qui veut jeter une suspicion générale sur la droite et ses dirigeants (mais aussi sur l’institution judiciaire) intervient à deux semaines du scrutin municipal. Démonstration de ce que celui-ci représente un enjeu national pour le régime. Les collectivités locales lui fournissent en effet ses cadres, ses moyens et une bonne partie de ses électeurs. C’est grâce à ces collectivités que le Parti socialiste peut subventionner et noyauter tout un tissu d’associations et d’organes d’expression, qui lui permettent d’acheter tranquillement des voix aux frais du contribuable.
On ne peut qu’admirer la sûreté de la méthode : l’État policier déconsidère la démocratie tout en faisant gonfler les extrêmes. Et au sommet du pouvoir, le président savoure son avantage provisoire. Il y a cinquante ans, François Mitterrand citait ce mot de Louis XVIII : « Comment s’y prendre pour empêcher de marcher un homme qui ne fait aucun pas ? C’est un problème qu’il me reste à résoudre. »
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