TOUT EST DIT

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samedi 19 octobre 2013

"Monsieur Moscovici, votre romance vous ferait-elle perdre la tête?"


Alors que Pierre Moscovici, ministre de l'Economie, publie cette semaine son livre Combats, notre Marquise de Sévigné, Hervé Karleskind suspecte le locataire de Bercy, amoureux, de perdre le sens des réalités. 

Monsieur, 
Souffrez, Monsieur, qu'une insolente marquise s'étonne de vous voir ainsi parader, plastronner, cependant que les autres ministres du roi recommencent à s'entredéchirer à propos du bannissement d'une jeune fille promptement renvoyée par les sbires du comte Valls en son village du sultanat de la Sublime porte. 
Soucieux de vous tenir à l'écart de cette polémique, vous voici donc, Monsieur, à faire le beau de présenter votre livre au titre pour le moins audacieux: Combats. Fichtre, Monsieur, camperiez-vous là un intrépide rétiaire jeté dans l'arène d'un cirque décimé par les défections et les trahisons, seul face aux crocs des fauves assoiffés de sang? Seriez-vous le nouveau héros d'une cour qui se cherche désespérément un coryphée? Postuleriez-vous pour obtenir une charge aussi prestigieuse? Etes-vous sûr que l'habit vous siérait tout à fait? Ne serait-il pas trop ample? Vous ne semblez guère en douter au point de tenter votre chance, en ces temps où l'on considère que le roi est désormais nu. Mais la réalité peine à vous satisfaire. 
Ne gémissez pas pour autant. Si vos stratagèmes ne convainquent à dire vrai personne dans le champ de votre charge de ministre, au moins éprouvez-vous grande joie de vous voir choyé par l'amour au point de laisser révéler la présence à vos côtés d'une jeune femme qui semble faire votre bonheur. Vous avez donc, vous aussi, cédé à la mode qui commande que les ministres se laissent tisser de charmants madrigaux, composés, à n'en point douter, par des mages et des imagiers soucieux de pourvoir en rêves celles et ceux que la misère accable.  
La belle et...le bête
N'a-t-on point vu le comte Valls embrasser à bouche-que-veux-tu sa ravissante épouse? La comtesse Brigitte, qui partage la vie du comte Ayrault, ne vient-elle pas, elle aussi, de se voir accompagnée d'une sorte de précepteur à des fins d'organiser la sortie de son anonymat? Vous voici donc vous-même, Monsieur, nimbé de la plus délicieuse romance: votre compagne, dont les atours vous composent une seconde jeunesse, livre quelques confidences, épluchées comme écrevisses, à une gazette de grande renommée.  
On la savait jolie, on la découvre érudite. Cette jeune beauté est aussi philosophe: elle cite volontiers Sophocle, sans forfanterie ni malice. A-t-elle seulement songé aux jaboteries de cour qui pourraient lui faire porter le fardeau d'un oedipien commerce? A-t-elle encore pensé qu'il se trouverait, toujours à la cour, des vipères qui sauraient se souvenir qu'Agamemnon fut assassiné par sa femme Clytemnestre? La tragédie grecque, toujours aussi bien portée, cèle quelques fantômes encombrants quand on se prend de les réveiller. 
Vous voici donc beau, Monsieur, de couler des jours si romantiques, le front oint des huiles les plus rédemptrices: Sophocle et Shakespeare en guise d'ombres tutélaires. Vous êtes béni des dieux. Mais, me direz-vous, si vous venez à me répondre autrement que par lettre de cachet, que vient donc faire là ce dramaturge anglais? Il se trouve que, selon les mots de votre charmante compagne, le héros de l'une des pièces qui commence à être fort connue, Hamlet, a bien involontairement prêté son nom à votre chat qui, selon les gravures, appartient à la race dessacrés de Birmanie. Cette bien rafraichissante historiette serait-elle à même de démentir la rumeur qui fait dire qu'il y a décidément quelque chose de moisi en ce royaume? 
Ce délicieux tableau viendrait-il à point pour nous distraire et enluminer les tristes vies de ces pauvres Bretons jetés dans la misère par le désoeuvrement? 
Je ne vous ai point parlé des affligeants commentaires de mon cousin Roger: cet homme un peu fruste ne vous a guère épargné, tout embéguiné qu'il se trouve à présent des prêches de la Marinella. Le voici donc en pâmoison, comme ensorcelé. N'a-t-il point fait effacer les saynètes polissonnes qui couvraient les murs de son château pour les faire remplacer par des portraits de sa nouvelle idole?  
Il vous reproche aujourd'hui de courir le guilledou à défaut de sortir le royaume de sa détresse: il vous accable encore de reproches quand vous décidez de lever de nouveaux impôts de si lourde façon qu'on en vient à croire que bientôt vous songerez à tondre les oeufs. Certes, les dires de mon cousin sont robustes et bien moins charmants que votre tendre romance. 
Souffrez cependant, Monsieur, qu'à l'heure où le royaume va comme carrosse en folie, le doute s'installe comme mauvaise fièvre, lorsque l'on apprend que vous êtes tout affairé à vous livrer à une noble entreprise, celle de la prose. Mais savez-vous, Monsieur, que ce mot se décline aussi au masculin? 

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