lundi 21 octobre 2013
La France en état de déraison collective
La France en état de déraison collective
Quand une bourde, qui aurait dû être corrigée discrètement et dont les leçons auraient pu être tirées sereinement, devient une affaire d'État, un drame collectif - au sens théâtral du mot - c'est que le pays perd la raison.
De fait, les passions politiques et médiatiques, décidément, mettent bien des têtes sens dessus dessous. L'indignation étant devenue une drogue addictive, chacun ou presque, à gauche comme à droite, y est allé de son couplet sur les valeurs républicaines menacées, rivalisant d'emphase, sans même attendre de savoir exactement de quoi il retournait. Les journalistes ont fondu sur Mitrovica pour faire parler la jeune Leonarda et sa famille, jusqu'à créer une sorte d'hallucinant duplex entre le Président et la lycéenne... Là où la mesure et la modération étaient nécessaires, on a joué sur l'émotion et l'exaltation.
Sans doute la situation de Leonarda n'est-elle guère satisfaisante. Néanmoins, elle est loin d'être tragique, si on la compare au sort des naufragés de Lampedusa ou à celle des Syriens pris dans la guerre civile qui ravage leur pays. On peut comprendre que les lycéens s'émeuvent bruyamment, mais qu'une bonne part de la classe politique et des commentateurs s'y abandonne est inquiétant, sinon suspect. Les valeurs républicaines sont davantage mises en cause par ce maelström qui voit ceux qui l'alimentent soigner leur image, prendre position en vue des échéances électorales ou dans la course à l'audience, sans s'inquiéter outre mesure du fait qu'ils participent allègrement à décrédibiliser l'exercice de la responsabilité politique. Jamais sans doute, la société médiatico-politique n'a démontré aussi fortement son caractère « adulescent ».
Donner corps à un pacte national
Quand on rapporte cette bouffée de chaleur aux enjeux économiques et sociétaux de la sortie de crise, on ne peut être que consterné. Qui peut croire que ce spectacle aide en quoi que ce soit à faire face aux enjeux qui sont les nôtres ? Quel contraste avec l'Allemagne voisine où l'on prend le temps, sans affolement de mettre sur pied une grande coalition pour conduire raisonnablement le pays !
Ce qui se passe ressemble fort à ces grandes crises qui se traduisent par la recherche d'une victime émissaire. Mais il ne s'agit pas ici seulement des Roms ou des musulmans sur lesquels la société déverse ses peurs. On peut aussi y voir l'explication profonde de l'effondrement de la popularité du président de la République. Dans ce genre de crise, l'élu d'hier, celui qui avait porté tous les espoirs, devient celui qu'on ne comprend plus et qu'il faut sacrifier pour retrouver la cohésion du groupe. Jusqu'au sein du Parti socialiste, ce mécanisme est à l'oeuvre !
François Hollande est pris dans ce piège d'une société qui est tentée, pour accomplir sa mutation, de sacrifier celui qu'elle s'est choisi pour chef. Pour en sortir, la seule habileté politique est impuissante. Il faudrait au moins que les responsables politiques capables de raison, à droite et à gauche, sacrifient leurs ambitions personnelles, pour donner le signal d'une réconciliation nationale autour des intérêts du pays. Il faudrait encore que les grands acteurs économiques s'engagent de la même manière, pour donner corps à ce qui devrait être un véritable pacte national pour une renaissance française. Il est encore temps de couper l'herbe sous les pieds des extrêmes.
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