TOUT EST DIT

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lundi 5 août 2013

UNE JEUNESSE EN PROIE À SON MAL DU SIÈCLE

Depuis 2008, la jeunesse grecque est une des figures les plus sévèrement touchées par la crise. Un désenchantement accompagné d'un faible espoir en l'avenir. Analyse d'une génération plurielle et incertaine en quête d'issues, κρισις [crisis] en grec ancien … 

Nous sommes coincés. Je ne sais plus quoi faire : rester ici, aller quelque part, me battre, ou juste accepter les choses. […] Nous sommes comme glacés, pétrifiés ».Tels sont les mots de Christialena, éducatrice spécialisée de 28 ans, pour décrire la situation complexe des jeunes Grecs. Leur attitude diffère, en effet, selon les individus. Certains décident d'émigrer vers des cieux jugés plus prometteurs, d'autres choisissent de rester pour survivre en silence ou, au contraire, pour lutter. 

LES JEUNES GRECS, PREMIÈRE VICTIME DE LA CRISE

Au début de l'année 2013, 60,2% (sondage Eurostat) des jeunes actifs grecs de moins de 25 ans étaient au chômage. Les quelques emplois occupés par ces jeunes sont bien souvent des emplois précaires en inadéquation avec leur diplômes obtenus. Alors, beaucoup de jeunes Grecs prennent des cours de suédois ou d'allemand dans l'espoir de quitter le pays et de trouver, ailleurs en Europe, un travail et une qualité de vie meilleure. D'autres ont fui les bancs de l'université pour retourner vivre chez leurs parents et ainsi éviter des dépenses supplémentaires à leur famille.

C'est aussi ça la crise pour ces jeunes grecs : une perte d'autonomie, mais un retour aux sources familliales. L'austérité budgétaire s'est également manifestée par des coupes drastiques dans les dépenses publiques et notamment dans le domaine de l'éducation. Ainsi, entre 2009 et 2013, le budget alloué à l'éducation supérieure a diminué de 25%, pas de quoi préparer un meilleur avenir pour la jeunesse hellène. Mais surtout, ce sont les droits des étudiants, hérités de 1974 suite à la chute des colonels, qui sont remis en cause. Pourtant inscrit dans la Constitution, le droit à l'éducation universelle et gratuite, a été très largement bafoué.

En août 2011, la réforme de la ministre Diamantopoulou a mis fin au droit d'asile au sein des universités et a transféré les pouvoirs décisionnels universitaires des étudiants vers des conseils privés indépendants. Le programme Athéna, daté d'avril dernier, donne le coup de grâce au système d'avant crise. Ce programme prévoit la fermeture de 400 facultés et départements, réduit l'accès aux universités pour les jeunes Grecs, et enclenche la privatisation de celles-ci.

UNE JEUNESSE MOBILISÉE

Les réformes précédemment évoquées sont loin d'être passées dans le silence. Elles ont poussé de nombreux étudiants grecs dans la rue. Par ailleurs, les étudiants possèdent toujours un pouvoir conséquent au sein des universités. Ils élisent les recteurs universitaires qui détiennent un pouvoir décisionnel majeur. Les recteurs ont alors maintes fois refusé que les forces de l'ordre s'introduisent dans les universités, préservant ainsi le droit d'asile hérité de 1974. Les partis politiques restent également très influents au sein du système universitaire grec.

L'activisme de gauche fait partie intégrante de la vie universitaire à la grecque. Le parti de la gauche radicale SYRYZA, le parti communiste grec KKE, ainsi que le mouvement anti-capitaliste ANTARSYA remportent un franc succès auprès des étudiants présents sur les campus. Pourtant, beaucoup de jeunes Grecs ont perdu confiance envers le personnel et les structures politiques. Les voix des étudiants politisés tendent à masquer celles de ceux qui ont perdu foi dans leurs représentants politiques. La crise grecque est aussi une crise politique, une crise de la représentation. Les grecs renouent alors avec la démocratie directe en investissant les rues. Selon l'hebdomadaire Kathimerini, six grecs de moins de 25 ans sur dix ont pris part aux manifestations de l'été 2011. 

L'HÉRITAGE DE 1973

En avril 1967, les colonels ont pris le pouvoir en Grèce et ont instauré une dictature conservatrice. Les Grecs sont privés de liberté et sont touchés de plein fouet par la récession économique des années 1970. La junte des colonels est aujourd'hui associée à la troïka qui dicte les mesures d'austérité que le gouvernement doit prendre. Spyros Marketos, professeur de science politique à l'Université de Thessalonique, explique dans le récent film, Catastroika (2012), que le gouvernement est formé de « politiciens dirigés par un banquier qui, en fait, est dans une large mesure responsable de la banqueroute grecque. C'est une junte de banquiers qui n'a pas plus de légitimité populaire que la junte de 1967 ». Ce lourd passé historique, toujours présent dans la tête de nombreux Grecs, est une des raisons pour lesquelles beaucoup de Grecs ne se sentent actuellement plus en démocratie. La crise grecque est également une crise de la souveraineté. Depuis son indépendance en 1830, la Grèce n'a cessé d'être sous la tutelle des puissances européennes, puis sous celle des États-Unis pendant la période d'après-guerre, et enfin sous celle de la troïka aujourd'hui.

C'est pourtant l'insurrection étudiante, partie de l'école Polytechnique d'Athènes en novembre 1973, qui a fragilisé le régime en place et conduit à sa chute en 1974. Les slogans de la contestation étudiante de 1973 sont aujourd'hui repris en chœur lors des manifestations. C'est pourquoi il est toujours émouvant pour un grec d'entendre aujourd'hui retentir dans les rue d'Athènes le célèbre slogan estudiantin : «  Pain, Éducation, Liberté ».

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