mercredi 27 mars 2013
La faute à la mondialisation ?
La faute à la mondialisation ?
Depuis plus de quinze ans, une majorité de nos concitoyens perçoivent la « mondialisation » négativement. Cela ne risque pas de s'arranger avec des chiffres du chômage chaque mois plus mauvais depuis bientôt deux ans.
Mais que revêt, au juste, ce concept de mondialisation apparu, voilà un demi-siècle, dans le langage universitaire pour resurgir, dans les années 1990, au sein du grand public ? Le sociologue anglo-polonais Zygmunt Bauman parle d'un processus décrivant « une interconnexion et une interdépendance à l'échelle de la planète. Tout ce qui se peut se passer quelque part affecte la vie et l'avenir des gens partout ailleurs ».
Cette définition simple aide à comprendre que la mondialisation n'est pas seulement économique, mais aussi sociologique et culturelle. Dans le contexte français, il est utile de le rappeler. Car les critiques se concentrent souvent sur la seule dimension économique pour dénoncer un monde où le travail à bas coût pénalise les modèles sociaux.
Cette critique n'est bien sûr pas dénuée de fondement : un des problèmes de la France, comme de l'ensemble du monde occidental, est la forte fluidité du capital qui aboutit effectivement à des délocalisations, voire à l'abandon de secteurs d'activités (comme le textile).
Un quart des emplois français
Mais la mobilité de l'investissement a aussi des effets positifs pour la France, puisque notre pays est, aujourd'hui, le deuxième destinataire des investissements étrangers en Europe. Un quart des emplois salariés français dépend, en 2013, d'investissements étrangers. Ce chiffre est la meilleure réponse aux récents propos du patron américain de Goodyear, Maurice Taylor, sur une France qui ne travaillerait pas.
Le public anglo-saxon, bien informé, ne s'est d'ailleurs pas privé de les dénoncer, en soulignant que la France était l'un des pays du monde avec la plus forte productivité individuelle au travail. Sa difficulté n'a jamais été la mauvaise qualité de ses travailleurs, mais la surprotection de son marché du travail qui empêche les chômeurs - et en particulier les jeunes - d'accéder au marché de l'emploi.
Qu'en est-il des autres dimensions de la mondialisation ? La France profite beaucoup des échanges culturels avec le reste du monde, qu'il s'agisse du tourisme, des biens culturels, ou encore de la mobilité des étudiants. Cette ouverture de la société sur le monde n'est pas un jeu à somme nulle, qui aurait amené les Français à renoncer à leur culture. Garantir le bon équilibre nécessite cependant d'être vigilant sur les régulations.
Le cinéma en est un bon exemple. La France s'est battue au sein de l'Union européenne pour que l'industrie cinématographique échappe aux seules règles du marché en continuant à recevoir des subventions. C'est ce qui permet à notre pays d'avoir encore un cinéma national. Cela ne nous empêche pas d'apprécier le cinéma américain, et peu importe que les films français ne soient pas aussi connus dans le monde que ceux d'Hollywood. Dans la mesure où ils satisfont le public francophone, leur existence est importante.
Si la mondialisation fait peur aux Français, c'est peut-être parce que ceux-ci doutent trop d'eux-mêmes. Avoir confiance en soi, tout en étant lucide sur l'évolution du monde, reste le meilleur moyen de ne pas éprouver le besoin d'édicter de nouvelles Lignes Maginot.
Christophe Lequesne, directeur du Centre d'études et de recherches internationales (Ceri), à Sciences Po Paris.
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