Hier, nous avons publié une réponse à la une de Libé sur les jeunes qui se barrent. Aujourd'hui, nous répondons à la une bêtement provoc' sur le vrai-faux départ de B. Arnault
en Belgique. Rassurez-vous, nous ne souffrons d'aucun réflexe de
Pavlov. Mais quand un pseudo-journaliste publie un article lamentable,
pourquoi se priver ?
Après les jeunes, qui créeront la richesse de demain, vous invitez les riches, qui ont créé celle d'aujourd'hui, à partir. Vous pouvez
être tranquilles : nombreux sont ceux qui obtempéreront avec plaisir, si
ce n'est déjà fait. Selon qu'on s'adresse aux jeunes ou aux riches, le
ton varie : l'incitation à "l'évasion tout court" des jeunes est teintée
d'une certaine bienveillance, mais l'exhortation à l'évasion fiscale
des riches est empreinte d'un certain mépris. Vous n'aimez pas les
riches qui veulent partir car vous avez besoin d'eux, pour payer des
impôts qui financent les largesses de l’État. Vous n'aimez pas ceux qui
se sont enrichis en construisant la France et en employant les Français
et qui, aujourd'hui, ne veulent plus porter sur leurs épaules le poids
grandissant d'un système qui les prive d'une partie des fruits de leur
travail au profit de ceux qui ne réussissent pas aussi bien. Ils ont
apporté bien plus à la France que vous ne semblez le penser ; si vous
continuez à mordre la main qui vous nourrit, nombreux sont ceux qui
voteront avec leurs pieds.
J'espère que monsieur Arnault, que vous insultez en première page,
est grand prince, car il fait partie de ceux qui paient des impôts et
financent donc indirectement les 14 millions d'euros de subvention que
vous avez reçus en 2010.
Votre une est une belle façon de remercier ceux qui travaillent pour
maintenir à flot votre canard qui ne sait apparemment pas nager seul, et
vous éviterait quelques désagréments comme une plainte. Qui vous financera quand lui et les autres riches se seront envolés ?
Les riches sont attachés à ce qu'ils ont construit, et quitter la
France alors qu'ils y ont bâti leur vie et leurs entreprises n'est pas
une décision qu'ils prennent sans un pincement au cœur. Les usines, les
marques, les points de vente qu'ils ont créés et développés emploient
les Français. Ils n'ont pas construit seuls leurs fortunes ; ils se sont
entourés de quelques personnes, puis quelques autres, et au fur et à
mesure que leur empire grandissait, ont fait travailler des milliers de
gens, en France et dans le monde (20 000 emplois créés jusqu'à
aujourd'hui et 3 000 embauches en France en 2011, même par un "riche
con", ne devraient pas vous laisser insensibles). Qui le fera, quand ils
seront partis ?
Les riches partent parce qu'ils estiment qu'on leur en demande trop. Pourtant, ils ne sont pas opposés à consacrer à d'autres leur fortune et leur énergie
: la fondation d'entreprise de LVMH, entreprise dont votre "riche con"
détient une part importante, finance des expositions et donne leur
chance à de jeunes créateurs et artistes. Ils ont d'ailleurs porté
jusqu'à aujourd'hui les institutions et le système français, en payant
leurs impôts et cotisations et en employant les salariés qui en paient
eux aussi. N'ont-ils pas le droit d'exprimer leur désaccord avec
l'effort qu'on leur demande ?
Entreprendre, c'est prendre des risques et des initiatives pour construire, créer, innover, offrir de nouveaux produits, de meilleurs services. Un pays ne peut pas se passer d'entrepreneurs sans voir son économie péricliter, et personne ne souhaite prendre de risques s'il n'a rien à y gagner. Il est déjà très difficile d'entreprendre en France, et encore plus de réussir. Prendre l'argent à ceux qui en ont est plus simple que chercher à diminuer les dépenses d'un État toujours plus gourmand, mais ne leur en voulez pas si ceux à qui vous voulez imposer cet effort ne sont pas d'accord. C'est leur droit, et je suis prêt à parier que nombreux sont les pays prêts à les accueillir.
En revanche, je vois mal comment la France peut se passer d'eux. Les "efforts supplémentaires" qu'on leur demande, les "mesures d'urgence" et tout l'arsenal fiscal et réglementaire qu'on pourra déployer pour les priver d'une part toujours croissante du fruit de leur travail n'y pourront rien. Vous ne voulez pas que les riches partent, et apparemment la violence verbale fait partie de votre arsenal. Allez plus loin, déployez votre savoir-faire, vos compétences, votre énergie, innovez : allez construire ce mur dont vous semblez rêver.
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