TOUT EST DIT

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samedi 8 septembre 2012

Le président normal peut-il être à la hauteur de son destin ?

Normalité, exception… jamais la France n’avait autant disserté sur 2 notions pourtant assez quotidiennes. A l’heure de cette rentrée pénible pour l’exécutif, où les ministres se tirent dans les pattes y compris au sein d’un même ministère… A l’heure où le nouveau gouvernement a réussi la gageure de se mettre à dos, en 3 mois, les patrons comme les syndicats… A l’heure où les électeurs commencent à se dire que finalement, le changement, c’était peut être un peu survendu… A l’heure où même la presse, y compris Marianne et le Nouvel Obs, dégaine cartouche sur cartouche contre un pouvoir qui n’en attendait pas tant, en tout cas pas si vite. En fait, cette rentrée 2012 sent la fin de règne à peine 4 mois après l’investiture du nouveau président. Un comble !

Crétin 1er dédicace sur un mensuel de gauche avant gardiste usé.
Alors les éditorialistes, quelque peu amnésiques, rivalisent d’idées, de conseils, d’analyses (et j’apporte discrètement mon écot) pour sortir le nouveau pouvoir de l’ornière : plus de réformes, plus vite, plus à gauche, plus à droite, plus d’Europe, plus de frontières, plus de rigueur, plus de dette… Le citoyen observateur s’y perd un peu. J’ai personnellement la faiblesse de penser que la seule question qui se pose au président, question à laquelle lui seul a la réponse plus ou moins consciente : François Hollande peut-il être à la hauteur de son destin ?
La réponse, objectivement, est évidente: oui, bien sûr. L’homme normal qu’il est peut se hisser à la hauteur des enjeux qui se posent. Son équation personnelle, comme on dit dans les milieux politiques autorisés, fait qu’il doit désormais dépasser ce qu’il a toujours été.
1. Il doit d’abord apprendre à décider, à trancher ; bref à gouverner. Dans les brochures de ventes, on a loué son esprit de synthèse lorsqu’il dirigeait le PS. On a post-rationnalisé en disant que son talent était de ne jamais contredire, ne jamais froisser, ne jamais fermer une option. On l’a dit, cette pratique des courants et contre-courants socialistes ne fonde pas une politique en période de tempête. L’homme consensuel doit se faire violence pour tracer une route, celle non pas de ses amis ou telle coterie, mais celle de son pays. Dans cette entreprise, jusqu’à maintenant, il a failli.
2. Décider, c’est naturellement créer des mécontentements. Surtout chez son électorat, forcément. Mais après tout, ne pas être aimé des gens qui n’ont pas voté pour vous, ça ressemble à une lapalissade démocratique. Mais que faut-il comme courage pour oser aller contre les intérêts corporatistes qui ont fait de vous ce que vous êtes. Pour Hollande, être à la hauteur de son destin passe nécessairement par une part de renoncement à la tactique électorale au profit de la stratégie politique : quel sens donné au pays, quelle place je veux le voir occuper dans l’histoire des Hommes, quel destin commun je dessine, même contre le pays lui-même. Ou contre l’idée que je m’en fais. En ce sens la crise profonde, violente et totale que le pays traverse représente une opportunité. Encore faut-il la lire comme telle.
3. Accepter de s’être trompé, de ne pas avoir perçu immédiatement tous les enjeux, d’avoir sous-estimé telle dimension ou telle autre : tout lui aurait été permis. J’en parle au passé parce qu’il aurait fallu qu’il adopte ce discours de vérité, de transparence et d’humilité très rapidement après son élection. Les français lui en auraient été forcément reconnaissants. D’ailleurs, il aurait été aidé dans cette tâche, humainement compliquée dans l’euphorie de la victoire, nous n’en doutons pas. Mais la Cour des Comptes par exemple lui fournissait le diagnostique et l’Europe la direction. Ne lui restait qu’à tourner le volant et de l’annoncer aux français.
4. Fondamentalement, cette épreuve personnelle de vérité implique sans doute la part de courage la plus profonde de l’homme politique, cette part qui fait les grands hommes : sacrifier son destin personnel à court terme (et donc sa réélection potentielle) sur l’autel d’une certaine idée du destin de la France. Oui, il peut incarner le Gerhard Schröder français, l’homme courageux aux réformes impopulaires mais qui a fait il y a 10 ans de l’économie allemande la réussite d’aujourd’hui. Social démocrate, comme Hollande. Européen, comme Hollande. Courageux, comme Hollande ? Ce dernier peut-il embrasser une ambition aussi immense que celle d’adapter le modèle social le plus avancé qui soit au contexte mondialisé du 21° siècle. Quel défi intellectuel ! L’entrée dans l’Histoire, monsieur Hollande, est à ce prix.
Alors Hollande peut-il être ce président. Peut-il être celui qui réussira cette adaptation aussi nécessaire qu’inéluctable. Car il faut en être persuadé : Soit les français maitrisent encore un peu cette mutation profonde, sous la direction d’un pilote habile autant que visionnaire. Soit ils la subiront, imposée qu’elle sera par Bruxelles. On peut raisonnablement douter qu’il y a chez lui cette capacité à diriger : diriger au sens donner la direction d’abord et emmener le bateau ensuite… On peut en douter parce qu’il a raté au moins 2 excellentes occasions d’incarner ce patron.
La première opportunité : au lendemain des élections législatives, gagnées par son camp. Dans une bienveillante cohérence, les français lui ont donné une majorité législative pour gouverner, sans qu’il dépende d’alliés turbulents tels que les Verts ou le Front de Gauche. Tant mieux. Le durcissement des propositions pré-législatives n’aura pas été vain. Aussi, auréolé d’une victoire nette, il avait tout le loisir de prendre la parole et d’annoncer une vision claire et courageuse : faire en sorte que la France soit encore ce qu’elle est dans quelques années, c’est-à-dire un pays qui compte dans le concert des nations : qui compte diplomatiquement, politiquement, socialement, culturellement. Une nation sûre d’elle-même, qui n’aurait pas peur de l’avenir, qui trouverait dans les dérèglements du monde autant d’occasions de donner du sens à l’Histoire des hommes. Où sont les Voltaire, Tocqueville, Aron… Cet esprit universel a-t-il définitivement disparu sous l’énervement médiatique d’un BHL ?
La seconde opportunité était plus évidente : l’allocution du 14 juillet. Il fallait bien la remettre à l’ordre du jour, Sarkozy l’avait supprimée. Devant la nation réunie, sur fond de drapeau tricolore, dans le bruit des chenilles de nos fiers chars Leclerc descendant triomphalement les Champs Elysées, n’y avait-il pas tous les ingrédients pour une déclaration solennelle d’un chef qui aurait exprimé sa vision, son ambition pour son peuple ? Je ne suis pas le premier supporter de Hollande, loin s’en faut, mais je dois reconnaitre que cela aurait eu de l’allure, un président nouvellement élu annonçant au peuple attentif une phase de sang et de larmes mais qui laisserait la place bientôt à une force retrouvée, un esprit de nouveau conquérant, un des lendemains enfin sereins. Une France fière d’elle-même, de retour dans le tumulte du monde, avec son modèle, ses certitudes, son esprit, sa culture éternelle, avec la certitude que jamais l’histoire de l’humanité ne peut s’écrire sans elle ! Oui, reconnaissons-le volontiers, on se serait dit « Voilà un Homme d’Etat, au niveau des enjeux qui sont les nôtres ».
Malheureusement, au lieu de se hisser au niveau que l’histoire exigeait, il nous a livré une pathétique démonstration d’autorité qui sonnait faux avec un rappel à l’ordre de sa copine : « Je suis pour une pleine distinction entre vie publique et vie privée. (…) Les affaires privées se règlent en privé (…) Je l’ai dit à mes proches ».
On dit d’un candidat qu’il doit « fendre l’armure » pour espérer passer le cap de l’élection présidentielle. Ce qu’on dit moins, c’est qu’un président doit prendre la mesure de son rôle devant l’histoire. Je ne sais pas si François Hollande n’a jamais fendu quoi que ce soit, mais c’est certain qu’il n’est pas encore un Homme d’Etat.

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