TOUT EST DIT

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mardi 18 septembre 2012

Le père de la distribution moderne 


Édouard Leclerc n'est plus. « L'épicier de Landerneau », l'empêcheur de vendre en rond, a tiré sa révérence, laissant derrière lui un bilan hors du commun, à l'image d'un homme protéiforme, visionnaire inlassable, entrepreneur inclassable, lobbyiste redoutable. Et provocateur en diable.
Que retiendra-t-on de cet esprit voltairien, « ennemi des ordres, des monopoles et des dogmes » ? Le créateur du navire amiral de la flotte de la grande distribution française ? Le croisé anti-monopoles, l'agitateur, le mystique, le prophète, le libéral pur jus... mais dénonciateur de l'économie financière ? Tout cela et bien plus. La personnalité d'Édouard Leclerc, c'est un peu comme un hyper : il y a vraiment du choix à tous les rayons.
Édouard Leclerc, ce n'est rien moins que le père de la grande distribution moderne. C'est à Landerneau, en 1949, que l'ancien séminariste a porté sur les fonts baptismaux la révolution des prix bas. C'est là que ce Breton granitique a fait basculer la distribution de grand-papa, artisanale et archaïque, dans l'ère de la grande distribution, industrielle et moderne. Quitte à bousculer sans ménagement les habitudes des producteurs et des lobbys conservateurs de tout poil.
Il a ouvert la voie dans laquelle se sont engouffrés tous les autres. Si, aujourd'hui, l'équation du bas coût fait autant recette, elle le doit certes à une forme de paupérisation de la société, mais elle avait un sacré précurseur. Cela fait plus de soixante ans que les pratiques visionnaires du croisé de la vie pas chère ont bouleversé le commerce français... Et favorisé toutes les politiques anti-inflation, soit dit en passant.
Édouard Leclerc n'était pas un saint. Il a utilisé quelques grosses ficelles politiques pour faire passer ses recettes ; il a écrasé quelques orteils pour se frayer un passage dans le champ des corporatismes ; il a mené quelques combats musclés pour imposer ses vues. Bref, il a mené et gagné la bataille des prix. Mais à quel prix ? rappelleront ses détracteurs, fournisseurs, syndicats, associations, politiques... Celui d'un modèle économique et social qui justifierait sans doute un devoir d'inventaire. Et qui a, entre autres inconvénients, une difficulté patente à franchir les frontières de l'Hexagone.
Il n'empêche, le modèle de l'évangéliste de la grande distribution mérite d'être revisité, en ces temps déboussolés. Même s'il est bâti sur le socle d'une idée simple, mais géniale - la révolution des prix bas - qui n'est pas à portée de tous les cerveaux standardisés des écoles de commerce. Quand on a une bonne idée, on n'en démord pas ; quand les rayons alimentaires d'origine arrivent à saturation, on ne lésine pas sur la diversification ; quand ça coince sur le terrain, on passe par le lobby politique...
Ces recettes n'auraient peut-être rien d'original si elles n'avaient été mises en rayons par un champion hors pair du lobbying et de la communication. Édouard Leclerc a su, avant tous les autres grands du commerce, concocter une « com » hyper-moderne, en alliant avec le maximum d'efficacité savoir-faire et faire savoir. Mieux, le père charismatique de la grande distribution a aussi su transmettre le flambeau à un fils plus rationnel, mais pas moins créatif. La saga Leclerc, c'est aussi l'histoire d'une transmission familiale particulièrement réussie.

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