dimanche 9 septembre 2012
La valse des têtes de Turc
On se demandait si Nicolas Sarkozy était fou. On se demande si
François Hollande est nul. La presse et l'opinion publique jouent avec
les présidents de la République comme avec des idoles qu'on adore avant
de les abattre. Elles font semblant de croire un temps en leur majesté
et en leur toute puissance, pour aussitôt après les rouler dans
l'opprobre.
Aucun mot n'est alors assez cruel, en une des magazines ou dans les
conversations, pour exprimer une déception qui n'attend plus maintenant
que quelques semaines avant de déferler. Le prochain président sera sans
doute détesté à la seconde même où il sera élu. Nicolas Sarkozy n'était
pas fou, seulement trop agité, et François Hollande n'est pas nul,
seulement trop coincé.
Le premier n'a pas jugulé la crise. Le second n'en prend pas le
chemin. On peut sans doute les critiquer. Mais pour le faire avec
cohérence, encore faudrait-il savoir ce qu'on attend d'eux et ce qu'on
peut faire pour les aider.
Or, on demande à nos élus de résoudre
la quadrature du cercle : augmenter le pouvoir d'achat sans ruiner les
entreprises, baisser les impôts sans ruiner l'État, refuser les
licenciements sans promouvoir la mobilité, refuser la mondialisation
sans disparaître économiquement, réformer sans efforts, changer sans
changements, s'adapter sans bouger. Les Français veulent une rigueur
sans douleurs, des économies sans renoncements ; plus de justice, mais
sans perdre leurs avantages. Ils voudraient devenir allemands sans
cesser d'être grecs. La contradiction mène tout droit à l'angoisse et
les Français ouvrent alors leur pharmacie pour avaler des anxiolytiques.
Et
ils se mettent à détester très fort leur président. Le rendre
responsable de tous les maux, c'est la meilleure façon de faire
diversion, de cacher qu'on ne sait pas ce qu'on veut et qu'on lui
demande tout et son contraire.
Le drame est que nos élites
politiques sont complices. Nicolas Sarkozy avait compté sur sa politique
de rupture pour faire repartir la machine économique et revenir la
croissance ; mais sans prévoir de sacrifices et en bannissant, comme
tous les autres avant lui, le mot même de rigueur.
François
Hollande consent à demander des efforts, mais seulement aux plus riches,
en sachant bien qu'ils seront insuffisants. Il ne décrit pas le chemin
difficile du retour à la croissance. Il ne veut pas davantage que son
prédécesseur évoquer la rigueur.
Comme lui, il veut éviter
l'impopularité dans l'espoir d'être réélu. Mais comment éviter
l'impopularité quand les Français veulent à la fois le redressement
économique et l'immobilisme ? L'un et l'autre étant incompatibles, les
Français auront l'un ou l'autre. Ils seront donc déçus, et le président
impopulaire.
Les Français veulent une rigueur sans douleurs, des économies sans renoncements.
Ils voudraient devenir allemands sans cesser d'être grecs.
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