TOUT EST DIT

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dimanche 9 septembre 2012

François Hollande est piégé


Pour Philippe Tesson, si le président persiste dans son projet de taxation à 75 %, les conséquences économiques seront graves. S'il renonce, le désaveu de sa famille politique sera cinglant.
Que l'enrichissement des riches s'accompagne d'un appauvrissement des pauvres, cela est insupportable, à plus forte raison en période de crise. Insupportable autant dans le principe que dans les faits. Le récent rapport de l'Insee vient de confirmer que tel fut le cas en 2010, où 90 % des Français ont vu leurs revenus baisser par rapport à l'année précédente quand augmentaient ceux des 10 % les plus riches. On n'avait d'ailleurs pas besoin de ce rapport pour le savoir : ce constat était une évidence que nous révèle depuis longtemps la réalité quotidienne et que vit péniblement, voire douloureusement, la majorité des Français.
Aucun honnête citoyen, fût-il de droite ou de gauche, n'a le droit de reprocher aux socialistes d'avoir dénoncé durant leur campagne cette distorsion, abusive en regard de la morale civique, politiquement suicidaire et, in fine, préjudiciable à l'intérêt national. Même à droite, elle était ressentie comme indécente. Même Sarkozy, qui avait eu le tort de l'avoir tolérée lorsqu'il était au pouvoir, promit de la corriger. François Hollande a bâti l'essentiel de sa stratégie électorale sur la mise en cause de cette injustice. Il était fidèle en cela à l'éthique socialiste. Certes, il n'avait que des bénéfices à en tirer, mais ne lui faisons pas de procès médiocres : il était sincère, il était dans le vrai et il rejoignait le sentiment commun. 

Efficacité dérisoire

Il doit en partie sa victoire à cette image justicière qu'il se donna au cours d'une longue campagne où il développa sans relâche, parmi ses thèmes favoris, la stigmatisation de l'argent. Mais il le fit avec une agressivité et une arrogance inattendues, souvent proches de la vulgarité. Son discours primaire, haineux et démagogique sur les riches et sur les patrons démentait sa volonté de rassemblement. Par certaines de ses propositions en matière de justice fiscale, principalement celle de cette fameuse taxation à 75 %, autant que par des propos souvent insultants, qu'il continua à proférer dans les premières semaines de son mandat, il s'aliéna une fraction de l'opinion et surtout les milieux économiques dont il était fatal pourtant qu'il se trouvât rapidement dans l'obligation de les rassurer. Cette absence de mesure fut une erreur politique, qui, parmi d'autres causes, est à l'origine des difficultés qu'il rencontre aujourd'hui.
Le voici en effet piégé. Les récentes informations relatives à l'intention supposée du gouvernement d'adoucir les dispositions du projet de taxation des "super-riches" à 75 %, suivies de l'annonce faite hier par Bernard Arnault de solliciter la nationalité belge, plongent le président de la République dans une situation pour le moins embarrassante. Soit il renonce, pour peu qu'il en ait eu l'intention, à amender son projet et il le maintient dans sa radicalité. Soit il l'aménage. Dans le premier cas, sa stratégie de la main tendue au patronat, telle qu'il semble l'avoir depuis peu initiée, et qui répond à la raison, marque un coup d'arrêt dont les conséquences à la fois économiques et politiques peuvent être graves. Dans le second cas, il s'expose à un désaveu cinglant d'une partie de sa famille politique, quatre mois seulement après son accession au pouvoir. Dans les deux hypothèses, le mal est déjà fait : à la faveur de cet événement, la fracture politique qui divise la France s'approfondit, alors que l'union est plus que jamais nécessaire pour conjurer les périls dont la crise nous menace.
Ainsi une initiative d'autant plus malvenue qu'elle n'avait dans l'esprit infantile de ses promoteurs qu'une valeur symbolique - rappelons que son efficacité est dérisoire puisqu'elle ne doit rapporter que 300 millions d'euros - produit-elle des effets désastreux. Elle risque d'entraîner, par ses développements inattendus, un mouvement de fuite des activités et des capitaux nationaux, d'aggraver la crise économique et morale dans laquelle vit la France, de ranimer un débat idéologique qui paralyse les énergies. 

Beau travail !

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