Les relations entre humeurs et météo intéressent aussi les psychologues. Marie Romanens, psychanalyste, qui vient de publier avec Patrick Guérin Pour une écologie intérieure, renouer avec le sauvage (Éd. Payot), constate ces influences climatiques sur ses patients: «Les intersaisons, automne et printemps, sont des moments particulièrement critiques pour les plus fragiles d'entre eux, observe-t-elle. J'ai travaillé en psychiatrie et, dans ces hôpitaux, tout le monde sait bien qu'il faut redoubler de vigilance dans ces périodes de l'année.» À l'automne, entrée dans l'hiver où vont s'accentuer le froid et la longueur des nuits, on veut bien comprendre qu'il y ait intensification des troubles anxieux. Mais pourquoi au printemps? «Cette saison demande, après un certain temps d'endormissement hivernal, de réveiller notre agressivité vitale, cet élan de vie qui nous a fait naître au monde et nous permet d'y grandir, explique la psychanalyste. Pour certains, cette transition peut générer de l'angoisse.»
La luminothérapie, un traitement efficace
Parmi les plus réceptifs à ces changements extérieurs, les seniors et les adolescents qui eux-mêmes voient leur identité soumise à d'importants bouleversements intérieurs et s'isolent davantage qu'à d'autres âges. Une étude menée en 2008 et détaillée dans son dernier livre par le professeur Fischer a d'ailleurs démontré que le souvenir d'une expérience sociale d'exclusion pouvait influencer la perception de la température ambiante et surtout augmenter la sensation de froid.Les professionnels de la psyché ne s'y trompent pas: «Quand quelqu'un se plaint beaucoup du climat, il dit autre chose bien sûr: sa vulnérabilité, son anxiété, ses sentiments dépressifs, analyse Marie Romanens. C'est une façon de signifier son mal-être tout en restant dans son quant-à-soi.» Le temps qu'il fait comme paravent protecteur? Des peuples entiers s'y adonnent. Ainsi les Anglais, qui ont pour rituel social de parler longuement de la pluie et du beau temps, sont-ils aussi connus pour avoir du mal à exprimer leurs émotions…
S'il n'est pas prouvé scientifiquement que le soleil et le beau temps nous poussent directement à nous sentir mieux (c'est plutôt le fait de sortir de chez soi et de favoriser les interactions sociales et amicales qui rehaussent notre moral quand il y a de belles dispositions climatiques), il est établi par contre que la baisse de température et surtout le manque de lumière génèrent de véritables troubles dépressifs sur de larges populations. C'est le SAD («Seasonal Affective Disorder») décrit désormais dans la psychiatrie américaine: fatigue, manque d'intérêt pour les activités du quotidien, retrait social, besoins compulsifs de manger du sucre, prise de poids… Voici les symptômes qui atteignent ceux qui souffrent de ce syndrome. Il a été montré que plus l'on vit loin de l'équateur, plus on risque d'y être sujet et les périodes de pointe du SAD sont les mois de janvier et février. Mais ceux qui travaillent de longues journées dans des buildings peu ouverts sur l'extérieur peuvent en ressentir des symptômes toute l'année. Pour y remédier, la luminothérapie apparaît aujourd'hui comme un traitement efficace: une demi-heure d'exposition quotidienne à la lumière de lampes spécialement conçues à cet effet nous protégerait de ce mal.
Le marketing s'intéresse aussi à de telles découvertes. On a même créé un terme, la météo sensibilité, pour aider les entreprises à mesurer et pourquoi pas maîtriser cette influence notable de la météorologie sur nos comportements d'achat. Helios Loukos, président fondateur de la société Climpact, qui offre des solutions opérationnelles pour ce qui était jusque-là de simples observations empiriques, s'en enthousiasme encore: «Parfois, l'impact de la météo peut faire doubler les ventes d'un produit… C'est effrayant!» D'après sa pratique cependant, ce sont davantage les saisons et leurs variations climatiques qui nous influencent…, ainsi que notre origine régionale: «Dans le sud de la France, dès 21° de température, les bouteilles d'eau se vendent comme des petits pains, observe-t-il. Par contre, dans le Nord, il faut atteindre les 24° pour que les stocks commencent à baisser.» La météo n'a pas fini de nous interroger.
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