dimanche 24 juin 2012
Christiane Taubira, un garde des Sceaux sous influence
L'avocat Philippe Bilger dénonce "la
ritournelle des poncifs humanistes" que constitue le discours de la
ministre de la Justice Christiane Taubira.
Deux pages sont consacrées à Christiane Taubira dans Le Parisien. A
l'évidence femme de caractère, personnalité forte, aux antipodes de ce
que la Chancellerie a parfois accueilli comme ministres.
En même temps, étrange sentiment d'être confronté à un discours appris tant il est prévisible. Malheureusement
la suppression des peines planchers est confirmée en dépit des crimes
terrifiants dont deux femmes gendarmes ont été victimes et qui ont
révélé, par leur existence même et le parcours du mis en examen, leur
nécessité. Ce n'est pas parce que les syndicats les récusent au
nom de la sacro-sainte liberté absolue du juge qu'elles doivent être
abolies, pas davantage parce qu'elles n'auraient jamais convaincu alors
qu'appliquées même pour moitié dans leur rigueur obligatoire, elles ont
probablement évité délits et crimes répétés de la part des personnes
concernées. Le garde des Sceaux affirme ne pas être "dans l'opposition
de principe" et cite en exemple la réforme de la carte judiciaire. Les
peines planchers ne mériteraient-elles pas une tolérance semblable ?
Pour
garantir une justice plus indépendante, Christiane Taubira est
infiniment prudente et je sens même dans sa réponse comme une réserve
qui n'annonce pas forcément des lendemains qui chanteront pour les
partisans d'une autonomie totale. En tout cas, rien ne laisse
penser que le pouvoir se privera de mettre aux endroits stratégiques sur
le plan judiciaire des magistrats qui le rassureront et donc,
éventuellement, feront ce qu'on leur demande.
Dans
les propos généraux et forcément généreux du garde des Sceaux, je suis
agacé par la ritournelle des poncifs humanistes qui embellissent le fond
d'un entretien mais ne constituent pas à proprement parler une
politique.
Puisque la réalité est là
et qu'au grand dam des socialistes, elle n'a pas encore appris et
n'apprendra jamais à se métamorphoser pour complaire à ceux qui la
désireraient idéale alors qu'elle est obstinément dure, violente et
rétive à toute philosophie qui ne saurait pas allier efficacité,
sévérité et humanité.
Les banalités
sur le "tout carcéral", sur "la prison facteur de récidive", sur la
justice des mineurs, d'une part, me semblent relever d'un corpus
inlassablement repris plus que d'une approche lucide et, d'autre part,
focalisent l'attention sur des problèmes qui ne sont certes pas
dérisoires mais ne représentent pas l'essentiel pour une démocratie
prête à se battre, sans se renier, à l'encontre de la délinquance et de
la criminalité.
A lire cette
interview dont les questions, il est vrai, ne sont guère percutantes,
j'ai l'impression, en dépit de l'intelligence nette et tranchée de
Christiane Taubira, de voir évoquer un monde irénique, avec des enfants,
des malheureux condamnés, des prisons malfaisantes, des innocents à
foison, une sorte d'univers de "bisounours judiciaire" qui n'a rien à
voir avec les tragédies et les transgressions au quotidien que la
magistrature est appelée à affronter.
Sur
un plateau de la balance, il y a certes l'heureux gel de la loi sur les
citoyens assesseurs dans les tribunaux correctionnels - on attend la
restauration du jury plein et entier dans les cours d'assises - mais sur
l'autre, tant d'interrogations, d'abolitions systématiques, d'idéologie
soft qu'on ne peut qu'être inquiet pour la suite.
La référence au projet de François Hollande
ne saurait être la clé de tout dès lors que, depuis son élection qui
m'apparaît comme une bonne chance pour la France, des infléchissements
sont apparus et des corrections opérées qui montrent qu'entre le dogme
et le réel, celui-ci parfois l'emporte. Pourquoi ne serait-ce pas le cas pour la Justice ?
Une
telle domestication par l'idéologie serait d'autant plus inconcevable
que pour échapper à un garde des Sceaux sous influence nous avons la
chance de pouvoir compter sur une femme de caractère et qu'heureusement,
elles ne font qu'une ?
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